L'HISTOIRE DE LEERNES
Par Alphone Gosseries
Fontaine-l'eveque, son histoire
La place de Leernes
INTRODUCTION
Le texte reproduit provient de la MONOGRAPHIE DE LEERNES par Alphonse Gosseries. L'auteur a travaillé comme directeur provincial des Contributions directes, Douanes et Accises à Mons.
Le livre est paru à Mons, chez Dequesne-Masquelier, imprimeur en 1912.
Merci à Lorraine Demoulin qui a retrouvé le document à la Bibliothèque de Louvain-la-Neuve.
Les gravures sont extraites du livre.
Les images additionnelles, sauf indication contraire, proviennent de la collection de Jean-Pol Demoulin

Leernes, son nom, son origine

Origine, Nom, Variantes, Étymologie, Limites

Marcel Foubert

Le village de Leernes était situé dans le pagus hainoensis, sur la rive gauche de la Sambre, et touchait au pagus sambrensis

Il appartenait déjà à l’abbaye de Lobbes au VIIe siècle. En 866, il y avait à Leernes (Lederna) un domaine direct de cette abbaye, avec 150 bonniers de terre arable, 3 de prés, 100 de forêt à paisson et une brasserie qui payait une livre. De ce domaine dépendaient 36 manses libres. Chacun payait 17 muids d'épeautre, 30 fusées de lin. Entre tous, ils payaient 6 sous, 2 poulets, 5 oeufs (pro hoste) et un poulet pour la forêt.

Il y avait aussi 4 manses de lides. Chacun payait 15 muids d'épeautre, 30 fusées de lin, 1 muid de houblon, 1 poulet, 5 oeufs.

17 serfs étaient attachés à la glèbe, 6 payant chacun deux deniers ; des 11 femmes, 7 payaient chacune 2 deniers.

Il y avait encore 4 petites manses serviles. Chacun payait 1muid de houblon, 1poulet, 5 oeufs.

En tout, il y avait 44 manses rapportant ensemble : en argent 33 sous, en épeautre 44 corbi et 12 muids, en lin 1200 fusées.

Cette année 886, on a recueilli..... 30 corbi d'épeautre, 300 muids d'avoine et 2 muids de farine.

Leernes figure sous le nom de Lerna-Fontanis, dans le polyptyque ou état des biens de l'abbaye de Lobbes, dressé en 868-869 par l'évêque Jean de Cambrai, sur l'ordre du roi Lothaire Il.

A cette époque et avant le XIIe siècle, Fontaine n'était qu'un hameau dépendant de Leernes, dont le nom primitif était li Erne aux fontaines ou Ernel aux fontaines, c'est-à-dire le désert,le petit désert aux fontaines.

Le territoire de Lerna-Fontanisayant été divisé, l'une des deux parties constitua le village de li Erne, plus tardLièrne, par suite de la réunion de l'article au substantif, et ensuite Leernes.

Cette étymologie n'est plus admise aujourd'hui. Selon plusieurs auteurs, Leernes viendrait de Lerna, abréviation du nom ancien Lederna. On rencontre, en effet, Lederneen 1069, Lerna et Lederna dans des écrits du XIe siècle,Lederna, alias Lederva, Leverda, Lerna et Lierne au XIIe siècle.

D'après C. Van der Elst, Lederna serait devenu, par contraction, Leerna et viendrait de Leder, Leer, qui signifie cuir, en tudesque. Cet auteur fait remarquer que cette interprétation ne se rapporte à rien de connu, mais qu'il a cru devoir la mentionner, parce que l'on trouve encore à Leernes, un lieu-dit nommé Hougarde, de racine tudesque, signifiant terre haute.

On ne peut préciser la date de la séparation de Leernes et de Fontaine, mais elle avait déjà été opérée lorsqu'en 1245, la paroisse de Saint-Christophe est détachée de celle de Leernes.Cette séparation donna lieu, pendant plusieurs siècles, à des contestations entre le comte de Hainaut et l'évêque de Liège au sujet de la souveraineté sur la ville de Fontaine.

Des difficultés surgirent aussi entre le chapitre de Saint­Ursmer, à Binche, et le curé de l'église de Saint-Christophe, par rapport à la dîme, de même qu'entre l'abbaye de Lobbes et le seigneur de Fontaine, relativement à la délimitation des bois, etc., des seigneuries de Leernes et de Fontaine.  

Clovis Meys, M. et Mme Richard Gobert

Des lettres du 19 octobre 1171, de Pierre, élu de Cambrai, relatives à un procès entre l'abbaye de Lobbes et Gui de Fontaine, au sujet d'un cours d'eau et de limites de bois, il résulte que le jugement fut rendu en faveur de l'abbaye, dont Gui s'obligea, avec ses descendants, à respecter les propriétés et les droits. Il reconnut aussi que tout le territoire compris entre la fontaine et la forêt de Castellion comme « à travers les bois communaux de Lerne, Fontaine, Anderlobia, Forchies », était la propriété de l'abbaye de Lobbes, de même que le territoire s'étendant du pré aux poissons jusqu'au pont Bavon, puis jusqu'à Fontenelle, au fossé Gylard et au fossé Porcina, le tout avec la forêt de Castellion et celle de Moringnies.

Dans la première partie de ce domaine, c'est-à-dire sur le territoire compris entre la fontaine et la forêt de Castellion, les habitants de Leernes pouvaient prendre le mort-bois pour leur feu et leurs bâtiments.

Quant au tonlieu, à la garde, au droit de forêt et à la justice, ils appartenaient à l'abbaye dans toute l'étendue du territoire. Si le forestier de l'abbaye constatait une contravention ou un délit, l'avoué faisait conduire, le cas échéant, à la maison de l'église, ce qui avait été saisi, et il avait le tiers de la confiscation et de l'amende.

Leernes, sa géographie

Situation, Topographie, Sol

Le village de Leernes est situé à 2 kilomètres sud de Fontaine-l’Évêque, à 10 kilomètres ouest de Charleroi et à 29 kilomètres est de Mons. Il est borné, au nord, par la commune de Fontaine-l’Évêque ; à l'est, par les territoires de Landelies et de Gozée ; au sud, par les communes de Gozée et de Thuin, et à l'ouest, par celles d'Anderlues et de Mont-Ste-Geneviève.

On lit ce qui suit dans Les Délices du pays de Liège

On trouve un beau village nommé Lerne, entre ce château (La Jonchière) et Fontaine-l'Évêque, dont il partage le court chemin. Il est situé dans un large vallon entouré de collines fertiles en bois, en grains et en fruits ; il est encore plus digne de considération par la bravoure dont ses habi­tants ont la réputation, que par la beauté de ses paysages. Les guerres continuelles dont ce pays a été le théâtre, ont mis au jour des preuves de leur grand courage et de leur humeur belliqueuse: quelque parti qu’ait voulu les insulter, il a toujours été vivement repoussé.

Ce lieu est gros et très peuplé on y voit une vaste église, très bien bâtie, et accompagnée d'une des plus hautes flèches du pays. Quoi qu'il soit dans la principauté de Liège, il est néanmoins du diocèse de Cambrai.  

De nombreux coteaux sillonnent le territoire de Leernes, dont le sol renferme du calcaire, du schiste, du sable et de la houille.

Au flanc de la colline qui domine la Sambre, à proximité de l'ouverture - en amont - du tunnel du chemin de fer de Charleroi à Erquelinnes, existe une carrière où l'on trouve des pierres à aiguiser très renommées, ainsi que des pierres douces servant à polir le marbre. On y exploi­tait aussi, autrefois, une pierre d'un grain plus gros et d'une couleur rougeâtre employée pour polir le cuivre, mais on ne la trouve plus actuellement.

Il y a une vingtaine d'années, on extrayait au lieu dit La Marlière, une pierre blanchâtre utilisée dans la fabri­cation du verre. On a cessé cette exploitation à cause de l'élévation des frais de transport.

Hydrographie

La Sambre baigne, en serpentant, les prairies et les bois qui s'étendent à la limite orientale du territoire, sur une longueur de cinq kilomètres. Un petit cours d'eau traverse la commune, mais il tarit le plus souvent en été. Plusieurs étangs.  

Superficie - Cadastre

D'après les documents du cadastre, la superficie de la commune est de 1.058 hectares 84 ares 10 centiares (en 1910).

La contenance imposable est de 1.022 hectares 28 ares 70 centiares ayant, en 1910, un revenu cadastral de fr. 94.886.58 ; la contenance non imposable est de 36 hec­tares 55 ares 40 centiares.

Le revenu imposable des propriétés bâties est de 38.925 fr. On compte actuellement 1954 parcelles appartenant à 460 propriétaires. On comptait en 1835, 192 maisons, divisées en 12 classes, dont le revenu imposable s'élevait de 6 à 171 francs.

Leernes, ses lieux-dits

Lieux-dits et l'année de parution

  • Aiwies (fond des), 1773.

  • Alne (le pont à), 1462 ; (taillette d') cadastre.

  • Amel Traux (l'), 1462.

  • Amenriwez, 1323.

  • Anderlues (haye d'), 1462.

  • André (la terre), 1773,

  • Angoge (le pré d'), 1773.

  • Bail (le long du chemin del), 1773.

  • Baillieusart, 1514 ; Beaulieusart, 1773.

  • Baillot (le pachy), 1773.

  • Benastrée (le), 1462 ; Benostrée (la), 1773,

  • Benicière, 1323.

  • Benoux (le terne), 1773.

  • Bergeuwel, 1462; Berjenwez, 1773.

  • Boucheronsart, 1514.

  • Briqueterie (la), 1773.

  • Broart, 1462.

  • Brulotte (la), 1773.

  • Bruyère (la), 1462.

  • Busque (le bois du), 1684.

  • Caillaux (le bonnier à) ,1773.

  • Cambier (le courtil), 1773.

  • Campaigne (le), 1323.

  • Champaigne (le), 1462.

  • Chapelle Jean Roche (la), 1684.

  • Chaulfour (le chemin du), 1462; la fontaine des Chau­fours, 1323, 1773.

  • Chêne (au gros), 1773; chêne al racine, 1777.

  • Çheumont, 1462.

  • Chevaux (le pachy des), 1773.

  • Chèvremont, 1462.

  • Closière Roger (la), 1773.

  • Colchon ruelle, 1462 ; Colson ruelle, 1684.

  • Commun-pré (le), 1773, cadastre.

  • Coq (le), cadastre ; (la cense du), 1773.

  • Coquerie (la), 1773 ; (champ de la), cadastre.

  • Coupernez chesne, 1462.

  • Couronne (la), 1773.

  • Couture (le sauvage), 1462.

  • Cressonnière (à le), 1323.

  • Davireux, 1462 ; Davirieux (pré de), cadastre.

  • Delporte cense, 1773 ; Delleporte (le savoir), 1462 (les 4 bonniers), 1462.

  • Deltonnere (le pré), 1773.

  • Dieu (le courtil), 1462.

  • Ecluse n°7, Ecluse n°8, cadastre.

  • Espinette (l'), cadastre ; (champ de l'), cadastre ; (cam­pagne de l'), 1773.

  • Falgeolle (la), 1773.

  • Falizote (le), 1514.

  • Fauri, 1462.

  • Fawiaul, 1514.

  • Flerus (le courtil de), 1462.

  • Fond des Vaulx, 1773.

  • Fontaine ou Han, 1462; (au chaufour), 1773; (Saint­-Querin), 1462.

  • Forest (le), 1462 ; Forest (la), cadastre ; (cense du), 1773; (le trieu de), 1773.

  • Four à verre (le), 1773 ; (chemin du), cadastre.

  • Gaulx (cense du). 1773 ; (pachy du), 1778 ; Gaux (le), cadastre; (champ de) ; (neuf bonniers du).

  • Giffroi (le mespelier), 1773.

  • Gille (la prairie maître), 1773.

  • Goulette ; Goulettes (les), 1773.

  • Grands arbres (les), cadastre.

  • Grand tilleul (le), 1462.

  • Gravières (le cullo des), 1462 ; Gravière, cadastre.

  • Gringotte (la), 1773.

  • Gros caillou, 1773.

  • Gros chêne (au), 1773.

  • Hamure (le cullo delle), 1462.

  • Han (fontaine du), 1462; Haut (campagne du), 1773; (champ du), cadastre.

  • Haye (la verde), 1773.

  • Haye Tronzaine (à la), 1773 ; haie Tronceune, 1773 (champ de la), cadastre.

  • Haye d'Anderlue, 1462.

  • Havay, cadastre; Hawais (les prés de), 1462.

  • Hayettes (à), 1462.

  • Henricamp, 1514.

  • Héronnière (la), 1773 ; Haironnière, cadastre.

  • Hicoux (trieu), cadastre.

  • Hodebonfosse (les champs deseure), 1462; Hubonfosse, 1773.

  • Houdichamps, 1773.

  • Hougaerde (la campagne de la), 1773 ; (les trois viviers sur la campagne de la), 1773

  • Hougarde (champ de la), (hameau de la), cadastre.

  • Hourbe (le wez à), 1462, 1514.

  • Huge (le bois de), 1684.

  • Hurée (la grande), 1773.

  • Hutte (la), 1773, cadastre; (campagne de dessus la), 1773 (la pasture dessous la), 1773; (champ dessous la), cadastre.

  • Jardin à grephes, 1621.

  • Jeanjean (le courtil nos), 1773.

  • Jean Paul (le pré), 1773.

  • Jean Roche (la chapelle), 1684.

  • Jonchière (la), 1601; Joncière (la), cadastre.

  • Joncquière (le), 1462, 1773 ; Joncquière, cadastre.

  • Labesse (le courtil), 1462.

  • Laide terre (la), 1773.

  • Landilhies (le quainiau à), 1514 ; Landelies (la cense du tilleul vers), 1773.

  • Lange (la terre), 1773.

  • Lanistraux (le chemin), 1773.

  • Laplaigne, 1462, 1773; hameau de la Plaigne, cadastre.

  • Lastok, 1684.

  • Laury (en), 1462.

  • Lecocq, Lecoq, (le bosquet), 1773.

  • Leernes (terre derrière) ; (bois de). cadastre.

  • Léon à Profondrieux (le courtil), 1773.

  • Lobbes (l'étang du vivier de), 1773.

  • Lobez (la terre), 1773.

  • Le long des bois (hameau), cadastre.

  • Luch ou Lus, 1514; Lusque (cense du), 1773.

  • Maison au bois, cadastre.

  • Malplaqué, 1773.

  • Marbaix (closière), cadastre.

  • Markais (le), 1462.

  • Marliers (les), 1514 ; Marlières (les), cadastre ; Marlières (communes des), 1773 ; (la closière à), 1773 ; (la closière des), cadastre.

  • Marteau-Goblet (le), 1514.

  • Martin du Terne (le vivier), 1773.

  • Meirs (le pasturage des), 1514.

  • Mespelier Giffront (le), 1462; Giffroi, 1773.

  • Milliot (le courtil), 1773.

  • Moines (le pré des), 1773.

  • Monchiel à Wesps (le), 1462.

  • Mont-le-diefflière, 1462.

  • Mont-le-sauvaige, 1462.

  • Moulin (pré du), cadastre.

  • Navez (le bois), 1773.

  • Notre-Dame (le bonnier), 1773.

  • Paradis, 1704 ; (le pachis du), 1684 ; (la prairie du), 1773; (le), cadastre.

  • Parisiaul, 1514.

  • Pasquie (la cense du), 1684.

  • Pasture, cadastre.

  • Peischant, 1773; Pechant (hameau de), cadastre.

  • Petit Lus (le), 1514.

  • Planchète (à le), 1323.

  • Planchette (le pré al), 1773.

  • Ploye-haye (la), 1514.

  • Pommernel (à), 1323.

  • Pont (terre du), cadastre.

  • Pont-à-Aine, 1462.

  • Pont-en-le-Val, 1462.

  • Profondrieux (le courtil Léon à), 1773; Profondrieu, 1773.

  • Quainiau à Landilhies, 1514.

  • Quarré (le bonnier), 1773.

  • Renau (pré du), 1773.

  • Robert-Haye (le chemin de), 1462.

  • Roger (la closière), 1773.

  • Rohis (à), 1773 ; Rohys, cadastre.

  • Rousseau (le courtil), 1773.

  • Saint-Antoine (le bonnier), 1773.

  • Saint-Martin (le bonnier), 1773.

  • Saint-Pierre (Bois), cadastre.

  • Saint-Querin (li fontaine), 1462.

  • Sambre, cadastre.

  • Sart Amand, 1323.

  • Saule (champ du), cadastre.

  • Sauvaige-coulture, 1462; cadastre.

  • Savoir (la thieulerie du), 1462.

  • Seghin (la prairie), 1773.

  • Tambour (le), cadastre.

  • Taquennerie, cadastre.

  • Ternes (taille des), cadastre.

  • Tillerie (la), 1773 ; Tieullerie du savoir (la), 1462

  • Thuilerie, cadastre.

  • Tilleul vers Landelies (la cense du), 1773.

  • Tomboit (à) 1323 ; Tomboi (le), 1462.

  • Tous vents (à), 1773.

  • Unck (le preit à), 1462.

  • Vaulx (fond des), 1773.

  • Verde borne (la), 1773.

  • Vérinel (la), 1773.

  • Village (le), cadastre.

  • Vivier (le), cadastre ; Vivier de Lobbes (l'étang du), 1773

  • Vivier Martin du Terne (le), 1773 ; Vivier du moulin, 1773;

  • Vivier (pré des trois), cadastre ; Viviers sur la campagne

  • de la Hougarde (les trois), 1773.

  • Warnivelle, cadastre.

  • Wespes, 1462 ; (la campagne de), 1773; (champ deseur), cadastre; (hameau de), cadastre.

  • Wez à Hourbe, 1462, 1514.

Sa population, son économie

Ses anciennes mesures, ses juridictions

Population

  • En 1470, il existait à Leernes et Wespes, 91 feux

  • En 1617, il y avait 350 communiants.

  • En l'an X de la République française, la population était de 726 habitants.

  • En 1830, la population était de 967 et 180 maisons

  •             1850            "            1.309

  •             1872            "            1.412

  •             1875            "            1.575

  •             1900            "            1.851

  •             1904            "            1.916

  •             1908            "            1.952

  •             1910            "            1.949

Agriculture,Commerce, Industrie

Ancienne verrerie

L'épaisseur de la couche végétale à Leernes, varie de deux à quatorze pouces. On y récolte du froment, du seigle, de l'épeautre, de l'avoine, des féveroles, du trèfle et diverses espèces de légumes. On y trouve des prairies et des pâtu­rages d'assez bonne qualité, ainsi que quelques petites par­celles de terrain destinées à la culture du houblon, des jardins et des vergers bien entretenus. Une bonne partie du territoire est couverte de bois, taillis et futaie ; les taillis, composés de chênes, de coudriers et d'aulnes, sont touffus et de belle venue ; la futaie, qui offre une croissance vigou­reuse, consiste principalement en chênes et hêtres. On rencontre ça et là, de petites parties incultes où le roc est à nu. Il y a 51 chevaux, 20 poulains, 149 bêtes à cornes, 47 veaux, et porcs et 300 moutons.

Depuis 1830, époque à laquelle se rapportent les rensei­gnements qui précèdent, la situation s'est améliorée. Les terres sont bien cultivées aujourd'hui et donnent un rende­ment rémunérateur. Elles valent en moyenne 3.000 francs l'hectare. On récolte surtout le froment, l'orge, l'avoine, le seigle et les betteraves sucrières et fourragères. Depuis quelques années, la transformation des terres labourables en prairies et en pâturages se fait graduellement.

Il existe trois grandes fermes respectivement de 150, 70 et 60 hectares. Il y a environ 160 hectares de vergers et prairies, dont la majeure partie est occupée par de petits cultivateurs qui vont vendre les productions de leur exploi­tation - lait, beurre et oeufs - à Fontaine-l’Évêque, Marchienne-au-Pont et Charleroi.

Vers 1830, il existait à Leernes une carrière de pierres à bâtir, une brasserie, une distillerie, un atelier de maréchal-ferrant, un magasin de bois, un four à chaux et un moulin à farine

La clouterie occupait alors la plupart des habitants de ce village. Aujourd'hui, par suite de l'emploi des machines pour la fabrication des pointes de Paris et des clous de toutes dimensions, les petites clouteries à domicile ont disparu, pour faire place aux grands établissements de Fontaine-l'Évêque. C'est dans ces usines, ainsi que dans les charbonnages et les hauts-fourneaux de la région, que vont travailler les ouvriers de Leernes.

On peut croire toutefois que les conditions économiques ne tarderont pas à s'améliorer en cette localité, la société anonyme des Charbonnages de Fontaine-l'Évêque ayant l'intention d'y établir un puits d'extraction, à la suite des sondages qu'elle y a effectués.

Dans ses recherches historiques sur la seigneurie et la ville de Fontaine-l'Évêque, A.-G. Demanet écrit qu'il est quasi certain que les Colnet, venant de Venise, importèrent l'art de la verrerie en Belgique et que l'existence de cette famille de gentilshommes de verre a été constatée, dès 1467, à Fontaine-l'Évêque et à Leernes.

Or, il résulte d'un acte de déshéritance et d'adhéritance passé le 26 décembre 1450 par-devant les maïeur et échevins de la cour et justice de Leernes et Wespes, que le 18 février 1447, style de Liège, Jean Collinet de Tourp, dit le voirier, avait obtenu en arrentement de Jean le Humel, abbé de Lobbes et de tout le couvent, avec le con­sentement de Baudouin, seigneur de Fontaine, avoué de l'abbaye, à Leerne et Wespes, quatre bonniers de bois ou environ, appelés Sart, à la taille-l'abbé. Cet arrentement fut fait moyennant le paiement annuel, par le dit Jean Collinet et ses successeurs, de quatre livres monnaie coursable en Hainaut, dont les deux tiers revenaient à l'abbaye et le tiers à l'avoué, après déduction, sur cette somme, chaque année, de 15 sols qui devaient être payés au receveur de la fabrique de l'église de Leernes et Wespes. En outre, aux termes de l'acte, Jean Collinet et tous autres masuiers ayant leurs maisons et leurs « cramillions pendants sans maîtres » sur le terrain arrenté, étaient tenus, au présent et au futur, de payer chacun une poule, pour leur feu, à la Noël, au pitancier de l'église de Lobbes; de même que les autres masuiers de Leernes et Wespe. Et pour garantir le paiement de cette rente, Jean Collinet « en at faict contrepant, là sur des voirs, les maisons cy désister et labeur, ou rant et en la manière qu'ils estoient sur la place, au jour de datte de ces présentes lettres ».

Une copie de ce même acte, délivrée le 20 mars 1694, d'après l'original déposé dans le coffre dit ferme, porte au dos la mention « Pour le seigneur de Jonchière, touchant le rendage du four à voiles de Leerne, fait par le Sr prélat de Lobbes et le Seigneur de Fontaine ».

Ce document important constate d'une manière irrécusable, l'existence d'une verrerie à Leernes en 1447, c'est-à-dire 20 ans avant celle dont il est question dans les lettres de sauvegarde accordées par Charles le Hardy, duc de Bourgo­gne, le 8 mars 1467, à m aistre Jean Colnet et Colart son fils, voiriers de la voirrerie de Fontaine-l’Évêque.

Leernes est donc en droit de revendiquer l'honneur attribué à Fontaine-l’Évêque, par A. G. Demanet, d'avoir été le berceau de l'industrie verrière dans nos provinces, d'autant plus qu'il semble y avoir identité entre la verrerie de Fontaine et celle de Leernes.

La verrerie de Leernes est encore citée dans l'octroi donné le 6 juillet 1479 par le prince-évêque de Liège, à maistre Colart Colnet, maître principal du four à voirres sous nostre ville de Leernes-lez-Fontaine-l'Evêque.

Sur la carte de Hainaut, gravée en 1616, par Jacques Surhon, de Mons, et comprise dans l'atlas des Pays-Bas de Pétrus Montanus, figure « un four à voille », qui est égale­ment mentionné comme verrerie, au même endroit, dans l'atlas du chevalier de Baurain, pour servir à la campagne de 1664. Cette usine, située à 20 minutes au couchant de la Sambre et à 30 minutes de Landelies, ne peut être que la verrerie de Leernes, et ce doit être par erreur qu'on en a rapporté l'emplacement à Hourpes.

Les Colnet ayant quitté Fontaine et Leernes vers la fin du XVIe siècle ou au commencement du XVIIe siècle, l'in­dustrie de la verrerie cessa dans ces parages.

Cependant, s'il faut en croire M. Habart, il existait, en 1645, dans le bois de Hourpes, à Leernes, non loin du château de la Joncière, une verrerie au nom de de Moreau. M. Habart ajoute que la durée de ce four ne fut que de quelques années et que les déchets qu'il a laissés sur les lieux sont là pour témoigner de son existence.

Il est possible que de Moreau ait remis en activité l'an­cien four à verres des de Colnet, dont l'emplacement semble se rapporter à celui de la verrerie mentionnée par M. Habart, mais s'il en est ainsi, on doit regretter que ce dernier n'ait pas indiqué la source de son information. Ce qui paraît certain d'ailleurs, c'est qu'il n'a pas eu connaissance de l'an­tique usine établie à Leernes, au XVe siècle, par Jean Colnet.

Quoi qu'il en soit, on voit dans un cartulaire-chassereau renouvelé en 1773, des droits seigneuriaux et rentes de l'abbaye de Lobbes, qu'il était dû à celle-ci, 68 saulx (sous) pour la maison et pourpris du four à verre de Leernes, par lesquels il faut entendre, cela n'est pas douteux, l'ancienne verrerie construite sur les quatre bonniers de bois donnés en arrentement en 1447, à Jean Collinet, dit le voirrier.

Anciennes mesures

On évaluait la superficie des terrains par bonniers, journels, quartes, mesures et verges.

Le bonnier contenait 3 journels ou 400 verges de 16 pieds à la verge; le journel contenait 4 quartes ou une mesure et une quarte; la mesure contenait 3 quartes ou 100 verges la quarte contenait 33 verges 1/3.

Les mesures de capacité pour les grains, étaient :

  • le muid, qui valait 6 rasières;

  • la rasière, qui valait 2 vasseaux ou 3 setiers;

  • le vasseau, qui valait 2 quartiers ou 1 1/2 setier ;

  • le quartier, qui valait 4 pintes.

Voies de communication

Le chemin de Fontaine-l’Évêque à Thuin, par l'abbaye d'Aulne, le chemin de fer de Charleroi à Erquelinnes, en tunnel.

Un record du 19 décembre 1462 nous fournit la nomen­clature de tous les chemins, sentiers, ruelles, etc., existant à cette époque. On y voit que les chemins royaux allant d'une ville à l'autre, devaient avoir deux verges de largeur, les « caches des bois et charières » allant au bois, une verge ; les autres charières dans l'intérieur du village, reliant deux chemins, une demi-verge ; les « chevaul­choires » quatre pieds, et les « piedsentes » deux pieds.

Ce record fait mention, entre autres, de la voie allant à la fontaine Saint-Quirin, qui était héritage et aisement aux villages de Leernes et Wespes ; d'une ruelle allant au ruis­seau de Wespes et suffisamment large pour porter deux « buirs » ; d'une ruelle allant au pré à « Unck », lequel Unck était héritage et aisement à la ville, ainsi que la fontaine y située ; et, enfin, de la ruelle de messe, rentrant au chemin des chamals, pour conduire les morts et les mariés à l'église.

Juridictions anciennes

Principauté de Liège, diocèse de Cambrai, décanat de Binche ; collateur, le chapitre de Saint-Ursmer à Binche.

Juridictions actuelles

  • Arrondissement administratif et judiciaire de Charleroi

  • Canton de milice et de justice de paix de Fontaine-l’Évêque.

Les Seigneurs et les Avoués

Seigneuries, Avouerie, Avoués (1)

Dans son « Dictionnaire géographique, historique et archéologique du Hainaut », édition de 1891, Th. Bernier écrit que la seigneurie de Leernes appartenait en 1204 à Thierri de Leernes. C'est là une erreur manifeste, car l'abbaye de Lobbes possédait depuis longtemps, à cette époque, la haute, la moyenne et la basse justice à Leernes.

Il se peut, toutefois, que la famille de Leernes y ait possédé un fief et qu'elle tira son nom de cette localité, mais rien n'est venu justifier cette opinion

Quoi qu'il en soit, l'existence de la famille de Leernes est établie par des lettres de 1159 de l'évêque de Liège, faisant connaître que Thierri de Lerne (de Lerna) - avec sa femme et tous ses enfants - donna à l'abbaye d'Alne ce qu'il possédait de fief et d'alleu à Fontaine-sur-Sambre, à titre d'hérédité de ses aleux.

En 1169, Jean, abbé de Lobbes, déclara que son vassal, Théodricus de Lerna, lui avait engagé

  • pour 11 marcs de Cologne et 100 sous de Valenciennes, les fiefs qu'il tenait de lui à Strée et à Jumet

  • pour un demi marc tout ce qu'il tenait de l'abbé à Behegniae (Beignée).

L'engagement eut lieu en présence et avec le consentement des fils de Thiéry et pour une période de dix ans.

Parmi les témoins figurèrent Gérard de Leernes, Francon de Fontaines et Gislebert son frère.

D'un acte de transport, d'octobre 1195, il résulte que Galterus de Lerna céda à l'église de St-Théodard de Thuin, un fief situé à « Beignies » et tenu de l'abbaye de Lobbes. Galterus avait hérité ce fief d'un certain Philippe. Les frères de Galterus, soit Thiery, l'avoué, et Gérard, agréèrent cette cession, qui avait été autorisée, en 1192, par l'abbé de Lobbes, sous la réserve que l'église de St-Théodard paierait chaque année, à l'abbaye, un cens de douze deniers de Namur et que chaque manant lui donnerait une poule à la Noël.

On voit encore, par des lettres de 1204, de l'évêque de Liège, que Godefroid de Thuin, Wautier de Fontaine et Thierri de Lerne ont, par la main de Jean avoué de Thuin, cédé à l'abbaye d'Alne, leurs droits sur 40 bonniers de bois, situés à Montigny.

L'abbé de Lobbes, à titre de son église, était seigneur tréfoncier du village de Leernes et Wespes; où il avait la haute, la moyenne et la basse justice. Il lui était dû en 1773, sur chaque bonnier d’héritage, à la Noël, un demi setier d'épeautre et à la deuxième fête de Pâques 15 deniers blancs, sauf que sur 26 bonniers, 2 journels 1/2 spécialement payait, pour chacun, que 18 deniers louvignois, sans épeautre.

L'abbaye percevait, en outre, des rentes en argent , chapons et foaces (pain cuit, galette, gâteau) sur 29 héritages situés à Leernes parmi lesquels il y a lieu de citer la cense Delporte appartenant aux Soeurs-Noires de Maubeuge, la maison et le pourpris du four à verres, le château, les prés et les héritages de la Jonchière, les 19 bonniers sur Landelies, donnés en arrentement par l'abbaye au seigneur de Landelies, et devant annuellement 13 florins, la chapelle de St-Nicolas et un bonnier de terre sur lesquels le chapitre de Binche devait 2 chapons à la Noël.

Leernes et Wespes étaient du nombre des six villes appelées les pourchaintes (enceinte, étendue) de St-Pierre de Lobbes,. Quant à l'abbaye de Lobbes, elle était tout entière un fief de l'évêché de Liège, que les abbés relevèrent successivement en bloc à partir du XVIe siècle, sans spécifier les biens, rentes, revenus, seigneuries et hommages, appartenant à leur église.

Toutes les terres qui composaient la paroisse de Leernes et y devaient la dîme, étaient aussi redevables des rentes foncières à l'abbaye de Lobbes, tant par-delà Fontaine que par-deçà, tirant vers la Marche, Forchies et autres quar­tiers circonvoisins. Elles étaient mouvantes de la sei­gneurie de Leernes, abstraction faite le celles pour lesquelles il avait été autrement disposé par l'accord fait avec le baron de Fontaine, le 24 mai 1681, et dont il sera question ci-après.

Comme nous l'avons vu, Fontaine-l’évêque n'était autrefois qu'un hameau dépendant de la paroisse de Leernes.

Sur le terroir de Leernes, existait, entre autres, un fief que tenait en 1211, Wautier, noble hommne de Fontaine, qui fit donation à l'abbaye de Cambron de toute l'église de Boegnies (St-Vaast) avec les dîmes majeures et mineures, les dotales et tous les biens appartenant à cette église, ainsi que toutes les dîmes de récoltes et d'animaux sur ses manses situées dans les limites de la juridiction de la dite église.

Cette donation fut ratifiée par Arnulphe de Moriamés, de qui les biens étaient tenus en fief.

Ce fief appartenait en 1324, à Bauduin, sire de Fontaine, chevalier. On lit, en effet, dans un dossier relatif aux con­testations qui subsistèrent, pendant plusieurs siècles, entre le comte de Hainaut et l'évêque de Liège, au sujet de la souveraineté sur Fontaine-l'Évêque, que Bauduin, sire de Fontaine, et demoiselle Aliénor d'Aspremont. sa future, se présentèrent à Lobbes, « le samedi prochain devant le jour de l'an 1324, devant Jakeme Roussiaus, chargé à cet effet par Jehan, sire de Bailleul (et de Morialmé), et que le dit Bauduin rapporta les hummiers (usufruits), profits, droitures et les revenus de tout le fief tenu du dit Sire de Bailleul gisant à Fontaines, au terroit et là entour, en bos en eawes en terres, prés, cens, rentes et autres droitures et revenus, pour assurer le douaire, tout le cours de sa vie de la dite Aliénor, qu'il entendoit prendre pour sa femme.

Au cours des démêlés qui eurent lieu de 1353 à 1356 entre l'évêque Englebert de la Marck et Marguerite, comtesse de Hainaut, au sujet de la délimitation de leurs domaines, Robert de Bailleul, sire de « Morialmeis » déclara que trois ans avant son mariage avec la fille de Bauduin de Fontaine, un peu avant le siège de Tournai Madame de Fontaine, sa belle-mère, avoit relevé de lui, comme sire de Morialmei, le douaire que son mari lui avoit fait. Il ajouta qu'il avait trouvé dans d’anciens registres de la terre de Morialmé, que le sire de Fontaine était homme au seigneur de Morialimé, du chef du fief de Boegnies, mais qu'il ne saurait se prononcer sur la question de souveraineté concernant le comte de Hainaut et l'évêque de Liège.

D'autre part, on voit que le 20e jour après Noël au mois de janvier 1324, par-devant Thiris dou Castelleir, bailli de Hainaut, et les hommes de fief, comparurent les mêmes Bauduin et Aliénor, et que Bauduin rapporta les « humiers, fruits, profits, droitures et revenus dou castiel de la ville, de la seigneurie et justice haute et basse de Fontaine et dou manage condist le Bouverie, séant dedans le fermeteit delleditte ville de Fontaine et de tout ce qu'il tient et doit tenir en fief et hommage du comte de Hainaut, en le ville de Fontaine, appartenances et appendances et alheurs partot là entour, pour parfaire à sa future, 1000 livrées de terre ou tournois par an, à loyal pris, sur les fiefs qui lui sont donnés à titre de douaire, tenus du seigneur de Bailleul et de l'abbé de Lobbes.

Des pièces qui précèdent, il résulte que le territoire de Fontaine-l’Évêque comprenait deux parties dont l'une ,voisine de l'église de Boegnies ou de Saint-Vaast, relevait en fief de la seigneurie de Morialmé, mouvant de l'évêque de Liège, et l'autre, de laquelle dépendaient le château et le manage de La Bouverie, que rappelle aujourd'hui une rue de ce nom, relevait du comte de Hainaut.

Cette situation explique les contestations auxquelles la question de souveraineté de Fontaine-l’Évêque donna lieu pendant plus de quatre siècles, sans qu'il ait été possible de la résoudre autrement que par la force. On sait, en effet, qu'en 1757, l'impératrice Marie-Thérèse fit occuper cette ville par les troupes impériales, au cours des négociations.

Des difficultés se produisirent aussi au sujet de la séparation des hauteurs de Leernes et de Fontaine-l’Évêque.

A la limite de ces seigneuries, il existait des terres reven­diquées par l'abbé de Lobbes et par le seigneur de Fontaine, qui se les disputèrent pendant plusieurs siècles.

Déjà, par une sentence arbitrale rendue en 1299 et dont il sera question plus loin, Pierre le Jumiaulx, bailli de Hainaut, avait ordonné de procéder au bornage de ces terres, mais il faut croire que l'accord ne put s'établir, car le différend dut être soumis aux échevins de Liège, en 1450.

Après avoir visité les lieux contestés, entendu les anciens habitants de part et d'autre, et examiné les chartes des deux communautés, les échevins, vu la difficulté d'établir la limite, avaient, par leur jugement du 15 octobre 1450, décidé qu'il y avait lieu « de partager le terrain en discus­sion, par moitié, au meilleur profit que faire soy porat d'une partie et d'autre, sans fraude, et ce, par les courts et justices de Fontaine et de Lyerne, pour cascun desdits seignerages tenir sa parchon de son costet et pardevers sa hauteur, au meilleur proffyt et d'icelle joyr à perpétuité ».

Le partage ordonné ne fut pas effectué, de sorte que les choses restèrent dans le même état.

Par un record du 22 septembre 1514, les échevins de Leernes et Wespes déterminèrent il est vrai, les limites de la seigneurie et du jugement mais les contestations continuèrent quand même, et c'est en 1684 seulement, à l'intervention de l'abbé d'Aulne et de messire Antoine, baron de Corswarem que l'abbé de Lobbes et Michel-Luc-Camille de Rodaan (sic), baron de Fontaine-l'Évêque tombèrent d'accord pour fixer la séparation entre les territoires de Leernes et de Fontaine-l'Évêque.

Ces limites sont indiquées dans l'acte d'accord qui fut passé au monastère de Lobbes, le 24 mai 1684, en présence de deux notaires, de deux hommes de fief du Hainaut, des abbés d'Aulne et de Lobbes, et des barons de Fontaine et de Corswarem.

Aux termes de cet acte, il était permis à ceux de Leernes de se servir en tout temps des fontaines de Baillissart pour inonder leurs prés sans que l'on pût les en empêcher ni détourner les eaux à leur préjudice. Les chemins faisant limite entre les deux localités, devaient être visités par les deux cours de justice, mais ceux de Leernes ne pouvaient « calenger », condamner à l'amende, n’astreindre aux réparations, les marchissants (riverains) du côté de Fontaine, et réciproquement. Les officiers des deux cours devaient s'entendre pour effectuer conjointement la visite de ces chemins ; en cas d'absence de l'une on l'autre cour, celle qui était présente pouvait effectuer l'opération et le jugement rendu par elle était mis à exécution comme si les deux cours y avaient pris part. 

En cas de crime ou d'autres actes « de hauteur » commis dans les dits chemins, la connaissance devait en appartenir au baron de Fontaine.

Il fut convenu aussi que tout héritage appartenant à ce dernier et qui ferait partie du territoire de Leernes, ne serait sujet à aucune taille ni cens seigneuriaux, et que l'on ne pourrait y ériger de potence, gibet ou autres machines de justice, et ainsi réciproquement pour les héritages appartenant à l'abbaye, et qui seraient situés sur Fontaine. De plus, les deux seigneurs ne pourraient prétendre aucun droit de seigneurie haute, moyenne et basse, dans les limites pré-désignées, ni les communautés y établir aucune taille ou imposition quelconque ; mais tous les héritages devraient être, à l'avenir, sujets à la taille dans la juridiction sous laquelle ils se trouveraient, par suite de l'accord. Quant à ceux de Leernes possédant des héritages sur Fontaine, ils seraient tenus de payer la taille, à toujours, sans qu'elle pût excéder le nombre de douze, tandis que ceux de Fontaine qui posséderaient des héritages sur Leernes, devraient supporter toutes les tailles et impositions, à l'avenant des deux tiers.

Il fut encore entendu que les oeuvres de loi et de transport se feraient à l'avenir dans la juridiction d'où les héritages seraient mouvants ; que le « champiage » serait commun comme anciennement, et que l'on n'en aliénerait rien sans le gré des deux parties.

L'acte qui nous occupe comprenait aussi l'engagement, pour les contractants et les deux communautés, de n'exiger respectivement aucun droit de chausséage, hallage, étalage ou autres droits de cette nature, et de n'imposer aucun logement de soldats à ceux de l'autre communauté qui posséderaient, dans l’une des deux juridictions, des héritages sans maison.

Quant aux occupants de la ferme de la Forest appartenant à l'abbaye, ils auraient le droit de se réfugier librement avec leurs bestiaux, meubles, grains, fourrages et paille, dans la ville et château de Fontaine, sans devoir payer aucune imposition de ce chef à titre de rations, sauvegarde ou autrement.

L'abbé de Lobbes ayant, en suite de l'accord, renoncé à toute juridiction sur certains héritages tombant dans les limites de Fontaine et sur lesquels il « avait coutume » de recevoir des cens et des rentes, il fut convenu que le baron de Fontaine percevrait à l'avenir ces cens et rentes, et tout ce qui pouvait revenir à la seigneurie foncière, moyennant de payer annuellement à l'abbaye deux muids d'épeautre « à l'estrique » (à ras des bords de la mesure), mesure de Leernes, et un patacon en argent.

En promettant d'acquiescer et de satisfaire à tous les points fixés par la convention, les parties déclarèrent for­mellement n'avoir voulu apporter aucun préjudice aux droits des souverains et d'un chacun, leur intention étant de laisser sur le pied ancien les privilèges des deux com­munautés au sujet de la justice des actions personnelles.

En 973, l'abbaye de Lobbes obtint de l'empereur Othon Il la confirmation de nombreux privilèges, et l'autorisation d'élire un avoué pour défendre et administrer les biens compris dans l'enceinte on enclos du monastère.

Plus tard, en vertu d'une autorisation du pape Lucius III (1181 à 1185), l'abbaye érigea une avouerie dans sa seigneu­rie de Leernes et Wespes, elle choisit pour avoué le seigneur de Fontaine, avec charge principale de s'acquitter des devoirs de l'abbaye envers le souverain, et de défendre les terres et les droits du monastère contre toute agres­sion.

L’abbaye n'eut pas lieu de se féliciter de son choix soit que les conditions n'eussent pas bien été établies par l'acte d'érection de l'avouerie, soit, plutôt, que l'avoué, comme la plupart des seigneurs qui furent investis de cette dignité, ait voulu profiter le plus possible des avantages attachés à sa charge, toujours est-il qu'en 1200 ou 1201, le sire de Fontaine avait déjà violé les droits de l'abbaye. En 1245, Walter de Fontaine reconnut avoir le tiers seulement du bois de Leernes en raison de l'avouerie et garde du dit bois, ce qui fait supposer qu'il y eut désaccord à ce sujet.

Vers la fin du XIIIe siècle, de nombreuses contestations surgirent aussi entre l'abbaye et Bauduin, seigneur de Fontaine, chevalier, époux de Mahaut de Luxembourg, au sujet des droits seigneuriaux.

Le différend ayant été soumis à l'arbitrage de Pierre le Jumiauls, bailli de Hainaut, donna lieu à une sentence rendue par ce dernier « le samedi après mengier devant le triniteit 1299 », en l'hôtel Colart Gilart de Binche.

Le seigneur de Fontaine réclamait

  • des frais et dom­mages à l'abbaye qui avait arrenté des bois contre sa volonté et sans son gré ;

  • la mise en possession, en vertu d'un arrangement connu entre l'un de ses ancêtres et l'abbé Robiert de Broing, de 60 bonniers de bois destinés à être défrichés. Il reprochait, en outre, à l'abbaye d'avoir négligé de faire loi, c'est-à-dire d'établir les maïeur et échevins, et il demandait réparation des injures, diffama­tions et laidures, dont il avait été l'objet de la part du couvent.

Tout ayant été vu et examiné, l'arbitre prononça et déclara, sous la peine de 1000 livres, quant aux deux pre­miers articles, que l'abbé et son couvent n'étaient tenus à rien rendre au seigneur de Fontaine et qu'ils en demeu­reraient quittes, paisibles et absous à toujours. Quant au troisième article, le bailli déclara qu'il n'était pas établi que l'abbaye était en défaut et que le sire de Fontaine devait, de sa volonté, rendre son hommage à l'abbé, avec Bauduin son fils, et Sarasins dou Castelleir comme mambour.

Au sujet des injures, l'abbé et son couvent en furent absous et déclarés quittes et délivrés de la somme réclamée de ce chef par le seigneur de Fontaine.

De son côté, l'abbé de Lobbes prétendait être seigneur tréfoncier de la poesté (district, pouvoir, juridiction) des bois et des appendances de Leernes et Wespes, et avoir le droit d'y établir maïeur et échevins, sans devoir consulter à ce sujet le seigneur de Fontaine.

L'arbitre déclara que les prétentions de l'abbaye étaient bien établies et justifiées ; que, de plus, elle devait nommer deux sergents, comme seigneur tréfoncier, et le sire de Fontaine, un sergent, tous trois masuyers (propriétaire de maison) de Leernes et Wespes, qui seraient tenus de prêter serment entre les mains du maïeur, par-devant les échevins, de faire rapport de tous délits et autres faits commis dans les bois et ailleurs, et à juger par les dits échevins.

En cas d'arrestation pour forfaits ou autres cas, dans les villes de Leernes et Wespes, dans toute la « poesté » des bois et des appendances, les inculpés devaient être conduits en la maison et en la prison de l'abbaye appelée La Foreist, et jugés par les échevins.

L'abbé, en sa qualité de seigneur tréfoncier, devait avoir les deux tiers des profits lois et amendes payés, et le seigneur de Fontaine l'autre tiers.

Au sujet des aisances des bois, etc., que, d'après l'abbé, les gens de Leernes et de Wespes tenaient de lui, l'arbitre lui donna raison et décida que les cens et rentes qu'on payait de ce chef, soit une poule ou la valeur à déterminer par les échevins, appartenaient entièrement à l'abbaye.

L'abbé ayant, en troisième lieu, demandé que le seigneur de Fontaine fit relief des fiefs qu'il tenait de lui et de son église, il fut décidé que ce dernier et son fils, comme héri­tier, relèveraient ces fiefs, mais que, par contre, il ne pourrait rien leur être réclamé pour n'avoir pas fait, anciennement, les hommages voulus dans les délais prescrits.

Comme l'abbé reprochait au seigneur de Fontaine d'avoir empêché les gens de Leernes et de Wespes de jouir des aisances des bois, la sentence dit que l'abbé, seigneur tré­foncier, et le sire de Fontaine, en qualité d'avoué de l'église de Lobbes, et ses hoirs, laisseraient profiter ces gens de leurs aisances, moyennant le paiement de la rente et du cens dont ils étaient redevables de ce chef.

Quant aux mortemains, il fut prononcé que le sire de Fontaine n'y avait aucun droit sur les « tenables ne sour les masuiers de l’église », et que s'il avait perçu ce droit, il devait le restituer ; il était aussi tenu, à la réquisition de l'abbé ou du couvent, de faire loyalement et de bonne foi les cerquemanages (information faite pour connaître les limites d'un héritage, bornage) entre diverses propriétés situées à la limite des seigneuries de Leernes et de Fontaine, et au sujet desquelles il y avait contestation

Le bailli de Hainaut décida encore que l'abbé ni le seigneur de Fontaine ne pouvaient, à moins qu'ils ne fussent d'accord pour le défendre, empêcher les maïeur et échevins de Leernes et Wespes « de faire loi dans les cas et les choses qu'ils étoient accoutumés de juger ».

Enfin, d'après la sentence arbitrale, le sire de Fontaine, ses gens et son sergent devaient « être tenus quittes et absous de tout ce qu'ils avoient pris et fait à l'abbaye », moyennant les conditions imposées.

Et pour assurer l'exécution de la sentence, il fut enjoint au sire de Fontaine de rapporter, avant la mi-août prochaine, entre les mains du comte de Hainaut, toute la terre de Sebourg, pour en adhériter l'abbé et le couvent de Lobbes, à moins qu'il ne fit promettre par son fils aîné Bauduin ou ses autres hoirs, qui posséderaient les fiefs relevant de l'abbaye, de s'engager dans l'année de leur majorité, à tenir fermement et à toujours tous les articles de la dite sentence, sous peine de mille livres.

Il ressort de ce qui précède que le seigneur de Fontaine, non seulement avait voulu usurper les droits qu'il s'était engagé à défendre, mais que, de plus, il avait négligé de remplir ses devoirs envers l'abbaye, dont il tenait en fief l'avouerie de Leernes et Wespes.

Les Seigneurs et les Avoués

Seigneuries, Avouerie, Avoués (2)

Comme s'ils s'étaient donné le mot, les avoués étaient devenus généralement les plus cruels ennemis des monastères qui les avaient établis ; aussi, pour mettre fin aux abus et aux vexations inouïes qu'ils suscitaient aux moines, on défendit à ceux-ci, en 1273, de créer de nouvelles avoueries, et l'on ordonna aux avoués établis, de se contenir dans les bornes de leur investiture, sous peine d'en être privés par voie de justice, et d'encourir les pénalités statuées.

On peut croire que le seigneur de Fontaine reçut cet avertissement et que, se rendant compte de sa situation, il consentit à soumettre le différend à l'arbitrage du bailli de Hainaut plutôt qu'à la justice qui, en présence des faits commis, n'aurait pu s'empêcher de le condamner et de le priver de son avouerie.

Quoi qu'il en soit, il est certain que la sentence arbitrale de 1299 fut acceptée et exécutée par les deux parties ; nous voyons, en effet, que le mardi après le vingtième jour de Noël 1324, Bauduin, seigneur de Fontaine, et sa future, demoiselle Aliénor d'Aspremoit, se présentèrent devant Nicolas, abbé de Lobbes, et ses hommes de fief, et que là, Bauduin, « de sa bonne volonté, rapporta les humiers, les fruits, les profits, les droitures et les revenus des villes de Lierne et Wespes et tout entièrement ce qu’il tenoit en fief de l'église de Lobbes, pour assurer le douaire, tout le cours de sa vie, de ladite Aliénor, qu'il entendoit prendre pour femme.

De plus, comme nous l'avons vu ci-devant, Bauduin de Fontaine, en sa qualité d'avoué de Leernes, donna son consentement, en 1447, à l'arrentement de quatre bonniers de bois à Jean Colinet, moyennant le paiement annuel de quatre livres, monnaie coursable, dont un tiers lui fut attribué, les deux autres tiers revenant à l'abbaye.

Cependant, des contestations se produisirent encore, vers cette époque, entre l'abbaye et l'avoué, et en suite d'un compromis passé entre les parties, par-devant la cour et justice de Leernes, le différend fut soumis à l'arbitrage des échevins de Liège.

Après avoir examiné les pièces produites et entendu les délégués de l'abbé et de l'avoué, les échevins, par leur sentence du 17 janvier 1450, décidèrent, en premier lieu, que, nonobstant l'opposition de Bauduin de Fontaine, les cens et rentes dus sur certains héritages situés à Leernes et au sujet desquels il y avait contestation, resteraient en la pos­session de l'abbaye.

Relativement à la « hauteur et seigneurie » de Leernes, qui était aussi en discussion, il fut statué que lorsque des excès et forfaits étaient commis au dit lieu, l'abbé, en sa qualité de seigneur, pouvait « les quitter et pardonner » sans consulter l'avoué, à condition de ne rien exiger des coupables ; mais si la grâce était accordée moyennant le paiement d'une amende ou d'un profit quelconque, l'avoué devait avoir sa part et droytures telles qui a luy appartyennent ».

La sentence portait aussi que l'abbé de Lobbes avait le droit d'établir sur la hauteur et jugement de Leernes, un moulin où les surcéants du lieu devaient aller moudre leur grain.

La question de la limite entre les seigneuries de Leernes et de Fontaine ayant aussi été soulevée, les échevins de Liège, par la même sentence, déclarèrent que par suite des discordances qui existaient entre les pièces produites de part et d'antre, et entre plusieurs records rendus, tant par eux que par la cour et justice de Leernes, ils ne pouvaient statuer en parfaite connaissance de cause et que, pour éluci­der l'affaire, ils se rendraient dans ce village pour visiter les lieux en litige, entendre les vieux habitants ainsi que les échevins, etc.

Dans un record du 22 septembre 1514, la cour et justice de Leernes et Wespes rappela les droits de l'abbaye de Lobbes et de l'avoué, indiqués dans les sentences analysées ci-devant, mais cela n'empêcha pas, quelques années plus tard, le seigneur de Fontaine de prétendre avoir le droit, en sa qualité d'avoué, de donner à ses serviteurs et à ses amis, sans le consentement de l'abbé, des chênes provenant du bois de Leernes et Wespes.

L'affaire fut déférée à la cour et justice de ce lieu, qui donna raison à l'avoué, par une sentence rendue le 23 octobre 1533, en vertu de ta recharge des échevins de Liège, mais l'abbé de Lobbes ayant appelé au conseil ordinaire du prince-évêque, le jugement fut réformé par arrêt du 3 février 1537. Le tribunal des Vingt-deux du pays de Liège, ayant été saisi de l'affaire, à la requête de l'abbé de Lobbes, damp Guillaume, condamna, le 26 avril 1537, Jehan Follie, ses adhérents et assistants, en réparation du lieu en question et à tous les dépens c'est-à-dire à la restitution des chênes que l'avoué leur avait donnés.

La charte ou constitution donnée en 1212 par Wautier de Fontaine et confirmée en 1422, mentionnait les droits seigneuriaux, les corvées et les rapports du seigneur avec les bourgeois et les masuyers de Fontaine-l’Évêque. Elle était applicable à ceux de Leernes « fors tant » qu'ils devaient au seigneur de Fontaine un muid d'avoine par charrue et un demi-muid par demi-charrue. Le masuyer. devait deux setiers d'avoine, et le « lausaigier » un setier. Quant aux autres choses revenant au dit seigneur et à l'abbé de Lobbes, elles devaient être maintenues par le record des échevins.

A une époque plus rapprochée de nous, les droits et les charges de l'avoué de Leernes sont renseignés comme ci-après :

« De tous les grands chênes du bois de Leernes, le sieur de Fontaine a le tiers comme haut-voué. Des chênes et faux (hêtres), le haut-voué a le tiers. Si quelqu'un était trouvé coupant des chênes ou hêtres, l'avoué avait le tiers de l'amende. Pour « sang et burine » (blessure et querelle), l'avoué avait le tiers des amendes : 21 patards pour « burin » (querelle) et trois florins trois patards pour le « sang ».

En cas de contravention sur les chemins, l'avoué avait le tiers des amendes.

Les bourgeois ou bourgeoises, masuyers ou masuyères, devaient à l'avoué, à leur mariage, un muid d'avoine con­tenant 12 setiers.

Tout bourgeois ou veuve de bourgeois devait à l'avoué, au jour Saint-Andrieu, un setier d'avoine et un patard, sauf que le laboureur devait deux setiers et deux patards. Tous ceux qui n'étaient pas bourgeois ou bourgeoises devaient mortemains à l'avoué.

En cas de crime entraînant condamnation à mort, l'avoué était tenu de faire exécuter le condamné à ses dépens.

Lorsqu'il y avait « paisson » sur les bois, l'abbé et l'avoué pouvaient y mettre respectivement dix et quatre porcs.

Dans le cas où l'on aurait vendu une coupe de bois, l'avoué pouvait, dans la huitaine, prendre le marché pour son compte, au prix de l'adjudication.

D'autre part, bien que résidant à proximité de Leernes, les avoués devaient nommer un bailli pour garder leurs droits et remplir, à l'égard de l'abbaye et de la commu­nauté, les devoirs qui leur incombaient.

En même temps que la seigneurie de Fontaine-l'Évêque, les familles de Fontaine et de Hennin possédèrent l'avouerie de Leernes et Wespes, ainsi que des biens mainfermes situés en cette dernière localité, et que Bauduin de Hennin qualifia, en 1525, de cense de sa vouerie.

Bauduin de Hennin étant mort le 29 juin 1527, la seigneurie de Fontaine et l'avouerie de Leernes passèrent à sa fille unique, Anne de Hennin, qui épousa Jacques de Croy, sei­gneur de Sempy.

De cette union naquit un fils unique, Antoine de Croy, seigneur de Fontaine et avoué de Leernes, qui épousa sa cousine, Lambertine de Croy, fille d'Adrien de Croy, comte de Roeulx, et mourut sans postérité, en 1573, avant son père. Lambertine de Croy se remaria avec Gilles de Berlay­mont, seigneur de Hierges.

Anne de Hennin étant décédée le 6 janvier 1535, Jacques de Croy épousa en secondes noces, le 25 février 1538, Anne de Hornes, et, en troisièmes noces, Yolende de Lannoy, dame de Molembaix et de Solre. Il mourut le 7 février 1587.

Il avait eu de sa troisième femme :

  • Philippe de Croy, comte de Solre, qui épousa Anne de Beaufort et mourut le 4 février 1612, laissant un fils

  • Jean de Croy, comte de Solre, baron de Molembaix, qui épousa Jeanne de Lalaing, et mourut en 1640.

Le 14 janvier 1577, style de Liège, par-devant les maïeur et échevins de la cour et justice de Leernes et Wespes, comparut Guillaume Buirette, procureur et mambour de Jacques de Croy, chevalier, seigneur de Sempy, etc., d'une part, et Philippe de Croy, son fils du troisième lit, d'autre part.

Buirette déclara que par affection pour son fils, Jacques avait rapporté, de sa franche volonté, en la main du maïeur, tous les droits et actions de mainferme et biens routiers, sy comme de cens, rentes d'argent, de bled, d'avaine et de chapons et, ce, entièrement, peult estre réputé pour mainfermes et biens routiers dépendant de la haulte vouerie de Leernes et Wespes et même des acquêts faits par les feux seigneurs de Fontaine, qu'il at et peult avoir ens jugement et territoire de Leernes et Wespes, à lui parvenus par les succession et trépas des feux Anne de Sempy (de Hennin), jadis son épouse, et messire Anthoine de Croy, leur fils ».

Guillaume Buirette s'étant déshérité de tous ces biens, etc., au nom et au profit de Philippe de Croy, acceptant, celui-ci, après en avoir été dûment adhérité par le maïeur, donna et concéda aussitôt à son père, sa vie durant, l'usufruit des dits biens, cens et revenus, et même des acquêts, le tout entendu « de bonne foi, sans fraude et malenghien » (sortilège, mauvaise foi, dol, fraude, tromperie, ruse, méchant projet).

A la mort de Jacques de Croy, survenue le 7 février 1587, l'avouerie de Leernes échut en propriété, de même que la seigneurie de Fontaine, à Marie de Hamal, épouse en troi­sièmes noces de Jean d'Argenteau et cousine germaine d'Anne de Hennin.

Jean d'Argenteau ayant donné procuration à cette fin à David d'Argenteau, son frère naturel, bailli de Fontaine, à Pierre Martha et à Gobert Renier, receveur de Fontaine, l'avouerie de Leernes, avec ses appartenances et dépen­dances, fut relevée en son nom, le 15 février 1587, par-devant la cour féodale de l'abbaye de Lobbes.

La succession de Jacques de Croy donna lieu. comme on le sait, à de nombreuses contestations, et si les biens féodaux restèrent en la possession de la famille d'Argenteau, il semble qu'il n'en fut pas de même de l'avouerie de Leernes ni des biens mainfermes situés en cette localité. On voit, en effet, que le 2 novembre 1601, Philippe de Croy, comte de Solre, marquis de Renty, haut-avoué de Leernes, fils et héritier de Jacques de Croy, constitua et établit Lambert Buslin, bourgeois de Gosselies, en qualité de bailli et receveur de la haute-avouerie dont il s'agit, en remplacement de Jean Stainier, son beau-père, décédé, lui donnant tout pouvoir, autorité et mandement spécial d'exercer cet état, etc.

De plus, il résulte d'un acte passé le 5 juillet 1611, par-devant Marcq Massin, notaire apostolique et impérial, et plusieurs hommes de fief de Hainaut, que ce jour, Philippe de Croy commit et constitua Guillaume de Soye, pour transporter au profit de Denis de la Jonchière, à qui il reconnut l'avoir donnée à rente irrédimible et à tou­jours, la haute avouerie de Leernes et Wespes, avec droit de bourgeoisie, mortemains, droits de mariage, amendes, droits de bois et paisson, moyennant, par le dit de la Jonchière, d'en rendre, chaque année, 35 florins de 40 gros la livre, et d'hypothéquer la moitié de cette rente sur bons héritages. Le même jour, Philippe de Croy donna aussi à Denis de la Jonchière, à rente perpétuelle, toutes les rentes et héritages de mainferme qu'il « avoit et soloit jouir » et pos­séder à Leernes et Wespes, comme à lui venant de son patrimoine, moyennant de lui en rendre chaque année, ou à ses hoirs, 365 florins-Brabant, monnaie de Liège, de rente héritière, sans faculté de rachat, de laquelle rente néanmoins, le dit de Croy avoit admis le rachat, moyen­nant la somme de 4500 florins qu'il avoit reçue de de la Jonchière".

Jean de Croy, chevalier, baron de Montigny, seigneur de Molembaix, etc., grand-veneur de Hainaut, fils de Philippe, ayant déclaré, le 9 août suivant, se conformer en tous points, de sa bonne volonté, à ce que son père avait fait, et spécialement au sujet de la haute-avouerie de Leernes et Wespes, des mainfermes et du rachat, Guillaume de Soye se présenta, le 10 novembre 1611, devant Jean Bouillet, bailli des fiefs de l'abbaye de Lobbes et plusieurs hommes de fief, et transporta l'avouerie au profit de Denis de la Jonchière qui, à sa demande, en fut adhérité et admis au relief et vesture, avec les solennités requises, et prêta le serment de fidélité et hommage, sauf le bon droit d'un chacun.

Denis de la Jonchière ayant acquis l'avouerie de Leernes, vint habiter, comme nous l'avons vu, la maison de ferme, dite du four à verres, située en cette localité.

Comme il avait prétendu jouir des immunités, franchises et privilèges attachés à la noblesse, dont il tenait l'état, on lui contesta la qualité de noble et on voulut l'obliger, entre autres, à loger des soldats.

Au cours d'une enquête faite à ce sujet, en 1625, la cour et justice de Leernes entendît divers témoins dont l'un, Valentin Alard, déclara que de la Jonchière, en sa qualité de haut-voué, jouissait des mêmes privilèges que ses prédécesseurs, mais qu'on ne savait s'il était gentilhomme et s'il avait produit ses lettres de noblesse. Le témoin ajouta qu'avant l'arrivée de de la Jonchière à Leernes, sa maison était tenue par des censiers et valets; que, comme ses parents qui possé­daient 121 bonniers dans la commune, il avait logé des soldats, même depuis qu'il était haut-avoué, mais qu'ensuite, il avait fortifié sa maison.

Benoit Glus et Jeanne Balagny déclarèrent respectivement, le premier, que le père de de la Jonchière demeurait à Marchienne, la seconde, que de la Jonchière avait acheté la haute-vouerie du comte de Solre et qu'elle avait connu ses ancêtres, qui ne menaient pas l'état de gentilhomme.

D'autres témoins déclarèrent encore « qu'ils ne savoient d'où procédait la noblesse de de la Jonchière; qu'ils avoient connu son père, qui habitoit Marchienne, où il étoit maïeur et marchand; qu'il faisoit tenir par des fermiers sa maison de Leernes, qui n'étoit qu'une simple cense où l'on logeoit des soldats, lorsqu'il en venoit ; que, de plus, on ne le répu­toit pas pour gentilhomme ».

Il est de fait que son père n'est cité que sous le nom de Robert de Liège, au nombre des maîtres-verriers à qui Philippe, roi de Castille, accorda certains privilèges, par ses lettres du 7 avril 1559. Il en est de même dans l'acte du 17 juin 1573 relatif à la vente de la coupe du bois de la Delige, situé à Gozée, et appartenant au prince-évêque de Liège, ainsi que dans l'acte du 6 mars 1582, de rendage du vivier de Gozée.

Quant à son grand-père, il apparaît sous le nom de François de Liège, comme maïeur et échevin de Leernes, en 1555, dans une « passée » de bois et, en qualité d'échevin, dans un acte du 3 février 1576, de la cour et justice de Leernes.

Un chassereau des cens et rentes dus à l'abbaye de Lobbes, mentionne successivement, d'ailleurs, François de Liège en 1530, ses hoirs en 1576, et Denis de Liège, pour la maison et pourpris du four à verres, sans qu'il soit question du nom de la Jonchière.

Robert de Liège et sa mère, veuve de François de Liège, sont aussi mentionnés dans le dossier d'une contestation relative à des tailles et impositions établies à Leernes en 1560, soumise au conseil privé.

Si l'on s'en rapporte à une répartie produite le 23 mai 1680, dans le procès jugé par la cour féodale de Liège, dont il a déjà été question plusieurs fois, le nom « de Liège » aurait - ce que l'on ne prouva pas toutefois, - été pris par l'une des deux branches de la famille de Jonchière pour se distinguer de celle qui habitait la France ; d'après cet écrit, Denis de la Jonchière était noble quand il acquit l'avouerie de Leernes, et deux de ses ascendants auraient respectivement épousé Ernestine de Colnet et Catherine Boële, soeur de Jean Boële, chevalier de la Toison d'or.

Il y a lieu de remarquer que les indications concernant ces deux ascendants ne concordent pas avec celles que l'on trouve consignées dans les manuscrits des frères Le Fort et d'après lesquelles les quartiers de Wynand de la Jonchière seraient :

de la Jonchière, Hertoghe, Marotte, Exaerde, Boussu, Berchem, de Henry et Steelant, et ceux de sa femme : Van Driel, Della Faille, Hallinc (?), Steeker, Wensen, Cappelle, Drenewart et Groitzghem.

En tout état de choses, il consiste en lettres patentes de confirmation de noblesse données à Prague, le 20 août 1607, par Rodolphe, empereur des Romains et d'Allemagne, que Denis de Jonchière était issu de noble et ancienne maison, ses ancêtres ayant été honorés du degré de noblesse pour les services rendus à leur souverain en toutes sortes d'in­dustries, et que lui-même, Denis, avoit acquis les mêmes talents et vertus par la subtilité de son esprit. C'est pourquoi l'empereur, en récompense de son courage, l'éleva ainsi que sa postérité légitime, fils, filles, hoirs et héritiers, au nombre, degré, ordre, honneur et dignité de noblesse du Saint-Empire, avec l'autorisation de porter pour armoiries un écusson coloré d'or, qui aura une barre faite par le milieu, rouge, avec trois voeulx dorées de même inter­valle ; sur le haut de l'écusson, un heaume ouvert barré, les barres ou traillies d'or ; et de deux cotez dépendants des (un blanc) avec une longue bandelette d'or et de pourpre ; sur le deseur du heaume, un bras armé, étendu pour frapper, courbe la main de fer pliée en forme de poing tenant la poignée de l'épée dorée.

Ces lettres portaient encore que les armoiries ci-dessus décrites, qu'en d'autres termes on blasonne d'or, à la fasce de gueules, chargée de trois roues à six rayons d'or, pourraient être gravées sur écussons, bannières, guidons, pavillons, sépulcres, monuments, anneaux, bagues, édi­fices, murailles, fenêtres, portes, tapis et toutes sortes de meubles.

La généalogie des de la Jonchière remonte à Jean de Liège, père de François de Liège et grand-père de Robert de la Jonchière, dit de Liège, qui épousa Catherine de Marotte, fille de Jean de Marotte et de Marie de Henry.

De ce mariage, naquit :

Denis de la Jonchière, qui épousa Marie de Hertoghe, dame d'Heyhoeck, fille de Corneille de Hertoghe, échevin de Gand et d'Anne d'Exaerde. Il acheta, comme nous l'avons vu, l'avouerie de Leernes et construisit le château de la Jonchière, qu'il vint habiter et où il fut inhumé. Marie de Hertoghe mourut le 13 mai 1659. Ils eurent pour enfants

  • Jean de la Jonchière, ci-après A;

  • Winand de la Jonchière, ci-après B;

  • Marie de la Jonchière, qui épousa Jean Boileau, écuyer, seigneur de Bihain, dont elle eut une fille Marie-Marguerite qui s'unît à Pierre-Louis de Sluse, baron du Saint-Empire, seigneur de Houpertingen ;

  • Philippine de la Jonchière, née à Joncquiêre, sous Croix-lez-Rouveroy. Le 19 août 1630, âgée de 17 ans, elle prit l'habit sous le nom de soeur Philippine de Saint-Louis, au couvent des Pénitentes-récollectines de Fontaine-l'Évêque, fit sa profession le 21 août 1631 et mourut le 24 mai 1633.

A. Jean-Alexandre de la Jonchière, seigneur de Heyhoeck, fut créé chevalier le 8 avril 1652. Il épousa Catherine de Boudry, dont il eut :

Daniel-Joseph de la Jonchière, qui épousa Marie-Joseph Deltenre et mourut en 1710, laissant pour enfants

  • Jean-Alexandre-Joseph de la Jonchière, conseiller au Conseil souverain de Hainaut, mort sans alliance. En 1736, il eut à soutenir un procès devant le Conseil souverain de Hainaut, au sujet de la qualité d'écuyer qu'il s'attribuait. Ayant exhibé les lettres patentes de confirmation de noblesse données le 20 août 1607, à Denis de la Jonchière, le Conseil, par son arrêt du 14 août 1736, déclara qu'il pourrait se qualifier d'écuyer, les dépens à sa charge.

  • Charles-Procope de la Jonchière qui mourut sans alliance, en Espagne, au service de S. M. catholique.

B. -Winand de la Jonchière, écuyer, seigneur de Van der Straten, haut-voué de Leernes, épousa Cornélie-Bernardine Van Driel, fille de Schrevel Van Driel, conseiller au Conseil de Flandre, et de Marie della Faille. Les Van Driel por­taient : d'or, à l'aigle bicéphale de gueules, aux ailes éployées.

Winand de la Jonchière eut deux filles

  • Marie-Jeanne de la Jonchière, ci-après, A.

  • Caroline-Sibille de la Jonchière, ci-après, B.

A. Marie-Jeanne de la Jonchière épousa Jean-Charles de Hellin, vicomte d'Angest, seigneur de Wassenhove, Backe­rode, Magiency, Schaeko et Laeke, fils de Charles de Hellin, seigneur de Wassenhove, créé chevalier par lettres du 12 mars 1641, et de Florence Roose, fille de François Roose, seigneur de Couthove, conseiller au Conseil de Flandre, puis au Grand Conseil de Malines. Les de Hellin portaient d'argent à trois coquilles de sable.

Le 16 mai 1662, Jean-Charles de Hellin releva, par-devant le bailli des fiefs de l'église de Lobbes, l'avouerie de Leernes et Wespes qui lui était échue, à titre de sa femme, par le décès de son beau-père Winand de la Jonchière.

Il eut de son mariage, quatre enfants

  • Josse-Robert de Hellin ;

  • Jean-Baptiste de Hellin, vicomte d'Angest, seigneur de Wassenhove, qui épousa Marie-Philippine de Lalaing, et mourut le 3 novembre 1701, laissant un fils Jean-Charles de Hellin, vicomte d'Angest, seigneur d'Ohain, qui épousa, le 21 août 1758, Marie-Anne-Louise-Augustine de Robiano. Il mourut 10 mai 1761;

  • Jacqueline-Robertine-Ernestine de Hellin, qui s'unit à Charles-Guibert d'Udekem, seigneur de Gentianes, frère de sa belle-mère

  • Marie-Barbe-Odile de Hellin, qui épousa, le 24 juin 1690, Florent-Bonaventure de Warnewyck et mourut en 1698.

Devenu veuf le 30 juillet 1663, Jean-Charles de Hellin, père, épousa en secondes noces, Sibille Van Driel, tante de sa première femme, et, en troisièmes noces, Marie d'Udekem, fille de Gérard d'Udekem, capitaine au service d'Espagne, et de Jeanne-Marguerite de Nobili.

Les Seigneurs et les Avoués

Seigneuries, Avouerie, Avoués (3)

Jean-Charles de Hellin eut à soutenir divers procès, tant contre les surcéants de Leernes et Wespes et le bailli de Lobbes, au sujet des droits de l'avouerie, que contre l'abbé de Lobbes qui lui contesta, devant la cour féodale de Liège, le titre de haut-avoué.

Ce dernier différend dura plus de quinze ans ; il prit naissance en 1669, à l'occasion d'une contravention relevée par l’officier-bailli des terres de Lobbes, à charge du seigneur de 'Wassenhoven, qui avait négligé de relever des chemins le long de ses héritages, contrairement à un mandement de S. A. S. en date du 23 mars 1658.

Le contrevenant contesta non seulement les faits, mais il prétendit, devant la cour et justice de Leernes et Wespes, que ce mandement n'avait eu d'effet que pour l'année 1658, qu'il ne pouvait plus être invoqué en 1669 et que, dès lors, les amendes y portées n'étaient plus exigibles. De plus, il déclara qu'en sa qualité de haut-avoué de Leernes, il n'était pas censurable par le bailli dont il était, au contraire, le supérieur et qu'il jouissait, à l'exclusion du seigneur direct et foncier, de plusieurs droits et prérogatives seigneuriaux tels que droits de mortemain, de mariage et de bourgeoisie, recette de chapon, d'avoine, ainsi que du tiers des amendes et du produit des ventes de coupes de bois, à l'encontre du dit seigneur. Il ajouta que les bourgeois de Leernes ne pouvaient aliéner les coupes de leurs bois sans son con­sentement, même quand ils avaient obtenu l'autorisation du seigneur direct; qu'il avait le droit de faire surveiller ces bois par un sergent-forestier, et, lorsque le seigneur direct voulait faire vendre des chênes et autres arbres « surragés » dans ces bois, il devait solliciter son consentement préala­blement à la vente, pour que ces arbres, dont le tiers du prix de vente lui revenait, pussent être marqués de son marteau en même temps que de celui du dit seigneur.

L'avoué conclut que celui qui jouissait de tels droits, était réputé seigneur dominant et que, pour ce motif, il devait être « absous », sans frais.

Jean-Chartes de Hellin renouvela ses allégations dans une réfutation en date du 6 mars 1670, adressée à la cour de Leernes, en concluant comme précédemment.

De son côté l'abbé de Lobbes impétra « mandement de complainte et de foule » le 4 février 1671, devant la Cour féodale de Liège, contre Jean-Charles de Hellin, qui s'attribuait le titre de haut-avoué, alors qu'il n'était que simple avoué.

Le conflit donna lieu à de nombreux mémoires, de plus en plus passionnés, remis alternativement à la Cour féodale par les avocats des parties.

Le seigneur de Wassenhoven, intimé, déclara, entre autres, dans une répartie du 13 août 1671, que, bien qu'il eût relevé l'avouerie de l'abbé de Lobbes, il n'était pas son vassal.

Pour établir la témérité de la négation faite par l'intimé, l'abbé exhiba, le 6 avril 1672, l'acte de transport de l'avouerie de Leernes, fait le 10 novembre 1611, en faveur de Denis de la Jonchière; il fit remarquer que celui-ci, qui avait fait relief de l'avouerie, sans qu'il eût été question de haute-avouerie, ni d'aucune juridiction de seigneurie domi­nante, s'attribuait la possession de la haute seigneurie de Leernes et se disait seigneur de la Jonchière, sans aucun titre.

L'abbé convint, il est vrai, que l'acte de constitution de Guillaume de Soye, par le comte de Solre, passé le 5 juillet 1611, par-devant les hommes de fief du Hainaut, faisait mention de la haute avouerie de Leernes, mais il ne voyait là qu'une flatterie à l'adresse du comte de Solre, haut et puissant seigneur, de la part d'étrangers au pays de Liège qui, d'ailleurs, pouvaient ignorer la « qualité de la vouerie ».

La discussion s'envenima au point que l'avocat de l'abbé en arriva, dans une contre exhibition réfutatoire, à nier la réception, à l'état des nobles, des devanciers de la dame de l'intimé, Marie-Jeanne de la Jonchière.

De plus, pour prouver la supériorité du bailli sur l'avoué, il rappela un procès criminel à charge de Winand de la Jonchière, et le décret d'appréhension dont ce dernier fut l'objet en 1626.

Plus tard, le seigneur de Wassenhoven nia de nouveau être le vassal de l'abbé et il accusa, en outre, ce dernier d'avoir versé au procès un acte incomplet ou falsifié volon­tairement, pour les besoins de la cause.

Dans un mémoire adressé le 25 août 1677, à la Cour féodale l'abbé fit observer que la supériorité que l'intimé prétendait avoir sur le bailli, ne se bornait pas à une question de préséance, mais qu'elle impliquait la négation de toute autorité autre que la sienne, alors que comme avoué et comme habitant de Leernes, il était soumis au bailli qui représentait l'abbaye de Lobbes.

L'intimé prétendait que, sans son consentement, l'autorisation du seigneur-abbé ne pouvait profiter aux bourgeois pour la vente de leurs bois, comme aussi que l'abbé ne pouvait y faire couper et vendre les chênes et les hêtres sans le gré de l'avoué c'était là, d'après l'abbé, « une pré­tention plus ambitieuse que les autres », puisqu'elle tendait à subordonner le seigneur direct à son vassal.

Quant à la prétention de l'avoué d'apposer la marque de son marteau sur les chênes et les hêtres, à côté de celle de l'abbé, c'était un acte intolérable de la part d'un vassal, qui oubliait qu'il devait tout honneur et respect à son seigneur direct.

En terminant, l'abbé conclut que le seigneur de Wassenhoven devait être déclaré déchu de sondroit d'avouerie.

On trouve encore au dossier des mémoiresproduits res­pectivement le 23 mai et le 27 août 1680, par le seigneur de Wassenhoven et par le prélat de Lobbes, mais on n'y voit pas la solution de l'affaire, qui était encore pendante devant la cour féodale, en 1687.

Le 15 avril 1682, l'abbé de Lobbes fut mis en demeure, par la Cour, d'exhiber l'acte d'institution première de l'avouerie en question.

A l'audience du 15 novembre 1683, dom Louis Bellamye, religieux de Lobbes, délégué par l'abbé, pria la Cour de hâter la solution de l'affaire, alléguant que les fils du seigneur de Wassenhoven s'étaient ingérés dans la « maniance » et la possession de l'avouerie, sans avoir reconnu l'abbé comme leur seigneur, et causaient de grands préjudices, dommages et intérêts à l'abbaye.

Le seigneur de Wassenhoven étant allé habiter Gand, son fils Jean Baptiste de Hellin s'adjoignit à lui dans la cause touchant la haute avouerie et fut cité, le 27 novembre 1684, à comparaître devant la Cour, pour y nantir les sportules.

A l'audience du 4 octobre 1685, la Cour, avant de délibé­rer, dénonça au prélat de Lobbes les doutes conçus au sujet de ses droits, et l'invita à justifier ceux-ci dans la quinzaine.

Le 6 décembre 1686, Jean-Baptiste de Hellin comparut en personne, devant la Cour, et y constitua le prélocuteur Pasque, pour son facteur, en remplacement de Judon.

D’autre part, la mort de Maugeer, facteur de l'abbé de Lobbes, ayant été notifiée à la Cour, le 6 avril 1687, l'affaire fut ajournée ; comme elle ne figure plus dans les registres auxrôles, on peut supposer que l'abbé de Lobbes, n'ayant pas jugé à propos ou n'étant pas à même de produire l'acte de constitutionde l'avouerie réclamé par la Cour, ne remplaça pas son facteur.

Quoi qu'il en soit, il semble que le seigneur de Wassenhoven,qui mourut le 16 mars 1698, fut maintenu dans ses droits et conserva le titre de haut-avoué. On est d'autant plus portéà croire qu'il en fut ainsi, que les barons de Méan et de Goer, qui succédèrent à Caroline-Sibille de la Jonchière, belle-sœur du seigneur de Wassenhoven, portèrent le titre de haut-avoué de Leernes et Wespes. En outre, dans un acte du greffescabinal de Leernes, du 16 mai 1780, il est ques­tion du bailli du seigneur haut-avoué de ce lieu. fermier du château de la Jonchière.

Le seigneur de Wassenhoven, avoué de Leernes, eut aussi à soutenir un procès en 1668, au sujet du droit de mortemain qu'il voulut faire payer par Jeanne Roger ou Rogère, à la mort de son mari.

Celle-ci ayant prétendu que ce droit n'était pas dû, pour le motifque son mari avait été reçu bourgeois de Leernes et Wespes, la Cour et justice de cette localité, après avoir consulté les Echevins de Liège, déclara, le 19 avril 1668, que la prétention du seigneur de Wassenhoven n'était pas fondée dans ce cas.

Le Conseil ordinaire de Liège, à qui l'affaire fut soumise, décida, par son jugement du 30 mars 1669, que les Echevins de Liège avaient bien prononcé et jugé ; il confirma leur sentence et condamna l'avoué aux dépens.

Appel de ce jugement fut interjeté devant la Chambre impériale de Wetzlaer ; le dossier dans lequel ont été puisés les renseignements ci-dessus, ne contient pas la sentence définitive, mais il y a tout lieu de supposer que l'avoué perdit son procès.

B. Caroline-Sibille de Jonchière, fille de Winand, épousa, le 18 janvier 1662, Jean de Méan, fils de Laurent de Méan, écuyer, seigneur de Pailhe ; ils eurent pour enfants :

  1. Laurent-Conrard de Méan, qui épousa Isabelle de Méan, fille de Pierre de Méan et petite fille de Laurent de Méan. Ils eurent pour fils Jean-Ferdinand de Méan, ci-après.

  2. Isabelle-Gertrude-Thérèse de Méan, qui épousa, le 11 décembre 1681, Jacques Remy, baron de Goer et du Saint-Empire, seigneur de Haltinne, haut-avoué de Leernes et Wespes, licencié-ès-lois, président du conseil ordinaire de l'évêque de Liège. Il mourut à Liège le 21 février 1733, sa femme l'ayant précédé dans la tombe le 11 septembre 1724.

Ils eurent pour enfants :

  • Jacques-Denis-François, ci-après, A.

  • Ide-Dieudonnée de Goer, qui fut baptisée à Liège le 16 mai 1700 et y mourut le 5 septembre 1723. Elle avait épousé le 30 novembre 1719, son cousin germain Jean-Ferdinand, cité plus haut, baron de Méan et du Saint-Empire, seigneur de la Jonchière, haut-avoué de Leernes et Wespes, baptisé le 8 août 1691, mort le 17 mai 1740, fils de Laurent-Conrard de Méan et d'lsabelle de Méan. Ils eurent pour enfant Anne-Marie-Isabelle-Guillemine de Méan.

A. Jacques-Denis-François, baron de Goer, de Herve et du Saint-Empire, Seigneur de Forêt, Prayon, haut-avoué de Leernes et Wespes, baptisé à Liège le 4 août 1696, licencié-es-lois, fut conseiller au conseil ordinaire en 1725, et mourut le 7 décembre 1765. Il avait épousé, le 17 septembre 1726, Henriette-Amélie, comtesse de Hoensbroeck et eut pour enfant

Jacques-Charles-Ferdinand, seigneur d'Haltinne, de la Jonchière haut-avoué de Leernes et Wespes, qui fut baptisé à Notre-Dame-aux-Fonts et mourut le 17 décembre 1806 Licencié-ès-lois, il fut conseiller au Conseil ordinaire de Liège, en 1754, puis président en 1784, et chambellan de l’électeur de Cologne. Il avait épousé Marie-Louise-Antoinette d'Aubrebis de Saint-Marc, chanoinesse d'Andenne, qui mourut à Liège le 3 mai 1758. Ce fut le dernier haut-avoué de Leernes.

L'Église

Église, culte, dîmes

L'église de Leernes, dédiée à Saint-Martin, date du XVe siècle, mais il ne reste de la construction primitive que le bas-côté droit, dans la muraille duquel le déplacement d'un lambris a fait découvrir récemment une piscine représentée par le dessin ci-après et dont la cuvette est percée d'un trou d'écoulement.

Le bas-côté gauche fut reconstruit en 1732, ainsi que l'atteste le millésime y inscrit. La voûte du milieu semble être de la même époque. Quant au chœur, il fut reconstruit par les soins de Bauduin Le Roy, qui fut curé de Leernes de 1610 à 1663 et la consécration de l’autel eut lieu le 30 juin 1617.

A cette époque, on construisit contre le côte gauche du chœur une annexe qui servit de tribune; sur le linteau de la porte extérieure de ce bâtiment, qui communique avec le chœur par une voûte en plein cintre, on voit le millésime 162l, ainsi que les armoiries de la famille de la Jonchière, consistant en un écu, entouré d'un cartouche, et portant une fasce barrée de trois roues.  

La tour est très massive et très solide ; elle parait être la partie la plus ancienne de l'église sous un cordon du revêtement extérieur du côte sud, se voit le millésime 1590, époque à laquelle elle subit vraisemblablement des modifi­cations et des réparations.

Malgré son ancienneté, l'extérieur de l'église, construit entièrement en pierres, a encore très bon aspect. La porte d'entrée gothique, abritée par un porche, est remarquable, de même que son encadrement sculpté en pierre. Dans le mur de façade du porche, à droite du portail, se trouve enchâssée une pierre avec bas-relief, représentant le Christ en croix, accosté de la Vierge et de saint Jean, sous lesquels sont agenouillées cinq personnes. Au bas de la pierre, on lit l'inscription : Devat cest, est reposat le corps de Jeane Adrien, en son temp espeuse à Valerin de Dapremy, laquelle trespassa le 17e jour de septembre an 1578 . Prie Dieu pour leurs âmes.  

Les colonnes intérieures de l'église sont en pierre et plusieurs fenêtres ont conservé leurs meneaux.

Dans le chœur, au-dessus de la boiserie et de la porte de la sacristie, à droite, se trouve une pierre sur laquelle est gravé un écu portant, sur champ de gueules, un chevron d'or, accompagné, en chef, de deux étoiles à six rais d'or, et, en pointe, de deux sceptres du même, en sautoir. Au-dessous de l'écu, on lit : Cogita mori. Maistre Bavldvin le Roy pastevr de Lerne, a faict érigé cest épitaphe en mémoire de fev Jean le Roy, son père, qvi trespassa le 25 de novembre l'an 1615 et de Jenne delhaye, sa mère, trespassée le 23 de janvier 1625. Priés Diev povr levrs ames. Et ledit pastevr est décédé le 14 de febvrier 1663.  

Une seconde pierre, posée à gauche de celle de Le Roy, porte les armes de Denis de la Jonchière.

Le mobilier de l'église comprend plusieurs pièces qui méritent d'être signalées, entre autres, un calice en vermeil repoussé du XVIIe siècle, donné par Denis de la Jonchière, dont il porte les armes. Sur la base de cet objet, sont repré­sentés quatre sujets de la passion; on voit sur le nœud du pédicule la sainte Vierge, saint Joseph, saint Piat, saint Dominique; sur la coupe la Naissance et l'Agonie du Seigneur, la Circoncision et la Cène.

Il y a lieu de signaler aussi un chandelier pascal d'envi­ron un mètre de hauteur, portant la date de 1767 et dont la tige à section carrée, ornée d'enroulements, repose sur quatre pieds, ainsi que deux statues de saint Quirin placées dans des niches, l'une à l'autel de Notre-Dame, l'autre à gauche du chœur.

L'église de Leernes possède les reliques de saint Quirin, qui font l'objet, depuis plusieurs siècles, d'un pèlerinage pour obtenir la guérison d'ulcères incurables, dit vulgairement le mal de Saint-Quirin.

Il existait autrefois à proximité de l'église, une fontaine dite de Saint-Quirin. Elle appartenait à la communauté de Leernes et Wespes et était vraisemblablement à l'usage des pèlerins.

Saint Ursmer, abbé de Lobbes, ayant fait bâtir, au VIIe siècle, sur le sommet de la montagne voisine de l'abbaye, une église destinée à servir de sépulture pour les moines et d'oratoire aux habitants du voisinage, y établit, sous la dépendance du monastère, des clercs chargés de célébrer la messe, et auxquels il attribua, pour leur subsistance, des biens et des bénéfices considérables, entre autres les dîmes de Leernes et d'autres lieux, qui avaient été donnés à l'abbaye par les rois francs.

En 973, l'empereur Othon Il, en confirmant certains privilèges à l'abbaye de Lobbes, ordonna que l'église bâtie sur la colline, serait affectée à perpétuité à douze chanoines qui auraient, pour leur entretien, les biens situés à Ressaix et à Waudrez, avec les églises de Thuin et de Leernes, sous la direction de l'abbé. La donation de l'église de Leernes au chapitre de Saint-Ursmer de Lobbes fut confirmée en 1069 par le chanoine Gillebert, avec l'approbation de l'évêque de Cambrai, Lietbert.

Par une bulle adresse au doyen et aux chanoines de l'église de Saint-Ursmer, le pape Alexandre III leur reconnut le droit de propriété sur les autels et les dîmes de diverses paroisses, entre autres Lobbes, Thuin, Leernes, etc. (1159-1181).

Les chanoines de Saint-Ursmer ayant été autorisés, par lettre du 19 mars 1409 de l'évêque de Liège, à la demande de Guillaume de Bavière, à se fixer à Binche, où ils s'étaient retirés, en 1408, pour se soustraire aux horreurs de la guerre, conservèrent tous les revenus dont ils jouissaient à Lobbes : c'est ainsi que le chapitre de Binche posséda l'autel et les dîmes de Leernes, avec le droit de collation de la cure.

La cure de Leernes fut unie et incorporée au chapitre de Saint-Ursmer, pour permettre d'entretenir les suppôts et les chantres qui aidaient les chanoines dans la célébration du service divin.

En vertu de cette union, le chapitre, en qualité de curé primitif de Leernes, nommait un prêtre chargé de desservir la cure pour trois ou six ans, et le présentait à l'archevêque de Cambrai, qui lui donnait le droit de remplir tous les devoirs attachés au soin des âmes.

Dans le principe, la cure, ou plutôt la vicairie de Leernes était amovible; le chapitre en avait la libre disposition et le curé était tenu de se représenter à lui, la veille de la Saint-Jean, à l'expiration du terme pour lequel il avait été nommé, à l'effet d'être maintenu dans l'exercice de sa charge, sous le bon plaisir des chanoines.

Plus tard, il fut décidé, par divers conciles, que les vicai­ries conférées par les abbés et les chapitres, seraient perpé­tuelles et que les institués y exerceraient la charge d'âmes avec les mêmes droits que les autres curés, sans dépendance des autorités qui les avaient nommés et qui, bien qu'ayant conservé le droit de nomination et de présentation, n'auraient plus aucun titre par rapport au spirituel, sauf certains droits honorifiques.

Le chapitre de Binche ne l'entendit pas ainsi et, dans les actes de nomination et de présentation, il continua d'insérer ses réserves au sujet de son droit de retrait de la cure. C'est ainsi qu'en 1609, il refusa de renouveler la nomination d'Hippolyte Lechien, prêtre, à qui il avait confié la « desservitude » de la cure de Leernes, pour six ans, à partir de la Saint-Jean 1603.

Lechien, qui se disait curé-vicaire perpétuel, ayant voulu se maintenir en cette qualité contre le gré du chapitre, il en résulta des procès, tant devant le tribunal civil que devant la juridiction spirituelle.

Ayant été mis en demeure de céder la place à son successeur, Bauduin Le Roy, nommé par le chapitre, Lechien, à qui l'archevêque de Cambrai voulait donner raison, fit placer des fers, des verrous et des serrures à l'église, pour empê­cher le dit Le Roy de prendre possession de la cure.

Informé de ces faits, le chapitre, qui avait eu recours au nonce et aux archiducs Albert et Isabelle, délégua le chanoine Le Clercq pour installer le nouveau curé. S'étant rendu à Leernes avec ce dernier, Le Clercq fit casser les serrures et les verrous, à coups de marteau, malgré la résistance de Lechien, qui avait requis la gendarmerie de Fontaine-l’Évêque.

Telle était l'exaspération de Lechien, que le jour de la Saint-Jean, durant les matines, il avait dévêtu le corps saint et enlevé tous les ornements servant au service divin, pour que Le Roy ne pût faire son office. L'archevêque de Cambrai mis au courant, par messager spécial, des faits graves posés par Lechien, lui ordonna, à la demande du chapitre, de restituer les objets qu'il avait emportés, ce qui fut fait.

Bauduin Leroy occupa la cure de Leernes pendant de longues années, soit que la qualité de curé perpétuel lui fut reconnue, soit, plutôt, que possédant la confiance du chapitre, son mandat fut renouvelé successivement à l'expiration de chaque terme.

Quoi qu'il en soit, le chapitre ayant eu des difficultés, en 1677, avec Jean Rennuit, prétendit que ce dernier n'avait jamais été et ne pouvait être que vicaire amovible de la cure de Leernes, et qu'il se qualifiait curé sans droit ; il avait charge d'âmes, sans doute, mais il n'était néanmoins que simple « desserviteur », et vicaire, comme il était déclaré dans les lettres d'Albert et Isabelle du 17 janvier 1607.

Cependant, dans une consultation rédigée en 1782, par un avocat de Mons, au sujet de la portion de dîme et des terres que le chapitre avait abandonnées au curé de Leernes, et qu'il aurait voulu reprendre, à raison de la plus-value que ces biens avaient acquise, en assignant une portion alimen­taire au desservant, on lit que les chanoines reconnais­saient que la vicairie n'était plus amovible, comme du temps passé.

Il existait dans l'église paroissiale de Leernes une chapelle dédiée a Saint-Nicolas, qui fut fondée par Jean dit « Bievene ». Cette fondation fut approuvée le 13 octobre 1323, par Pierre, évêque de Cambrai.

Le fondateur avait doté la chapelle des biens et revenus suivants, savoir :

  • 33 chapons et 30 deniers de Namur de rente annuelle, assignés sur plusieurs biens situés dans la paroisse de Leernes

  • une maison avec jardin et dépendances que le fondateur possédait à Leernes, au moment de sa mort

  • 11 journaux de terres arables dépendant de la susdite maison

  • 1 bonnier de terre arable, situé au lieu dit « en le campaigne »

  • 1 bonnier, moins un quartier, de terre arable qui appartint à Thomas de Bruet

  • 2 journaux de terre, moins un quartier, qui appartinrent à Jean d'Outremer

  • 1 journal de terre, qui appartint à Marie Grandine

  • 1 demi bonnier et 28 verges de terre, qui appartinrent à Morgant

  • 2 bonniers de terre, en une pièce, situés au lieu-dit à « Pommeruel »

  • 15 journaux de terre situés au lieu-dit « à le planchète »

  • 2 journaux de terre situés au chemin de Fontaine, conti­gus à la terre du nommé « le Braquenier »

  • 3 1/2 journaux de terre, en deux pièces, outre Fontaines (ou les fontaines), au lieu-dit « à la Cressonnière »

  • La moitié de cinq journaux et demi de terre, contigus à la terre de Godefridus de Camba

  • une mesure de pré, au lieu dit « Amenriwez » et, au même lieu, une mesure de terre

  • une mesure de pré, contiguë au bien précédent, qui appartint à Hugues A l'Oizial

  • un journal de pré et un quartier qui appartinrent à Bau­douin de Conriwez, situés à la fontaine des chaufours

  • un demi journal de pré au lieu dit « à Tomboit », qui appartint à Jean d'Outremer

  • un demi bonnier de pré, qui appartint à Marie, fille de Johannes de Huta

  • un demi bonnier de terre, situé près des fossés de Fontaines;

  • quatre journaux de terre, situés au Sart-Amand

  • un demi bonnier de terre, situé à Benicière.

L'ensemble de ces biens représentait, selon loyale estimation, 16 livres environ de petits tournois, par an. Ces biens devaient, d'ailleurs, être dûment amortis, conformément à la coutume locale selon laquelle chacun pouvait disposer librement de ses biens pour des fondations pieuses ou autre­ment.

L'évêque de Cambrai réserva, pour lui et ses successeurs, la collation de la chapellenie. La présentation appartenant au doyen et au chapitre de Saint-Ursmer de Lobbes, dans le patronat desquels la chapellenie fut instituée.

Le chapelain devait être ordonné prêtre dans le délai d'un an après qu'il avait été pourvu du bénéfice. Il devait célé­brer la messe trois fois par semaine.

Le 2 janvier 1324 (n. st), Nicaise, abbé de Lobbes, accédant à la demande des exécuteurs testamentaires de Johannes de Biévenne, amortit les biens affectés par celui-ci à la fondation de la chapelle de Saint-Nicolas,

En compensation, chaque nouveau chapelain devait, dans le délai d'un mois après le jour de son institution, payer à l'abbé de Lobbes un cens de 20 sous tournois ; de même, le chapelain devait payer une semblable redevance de 20 sous, dans le même délai, chaque fois qu'un nouvel abbé était installé à Lobbes.

L'autel de la chapelle de Saint-Nicolas étant directement opposé au maître-autel, le célébrant et les assistants tour­naient le dos à ce dernier. Comme depuis longtemps, on avait cessé, pour ce motif, d'y dire la messe, les doyen et chanoines de Saint-Ursmer, en qualité de chapelain, demandèrent en 1671, aux vicaires-généraux du siège archi­épiscopal de Cambrai, vacant, que le titre du dit autel fut transporté au maître-autel où les messes seraient déchar­gées. Leur demande fut accueillie par ordonnance du 4 mars 1671.

D'après le dénombrement des biens formé en avril 1787, par le chapitre de Saint-Ursmer, à Binche, le bénéfice de Saint-Nicolas, à Leernes, possédait 17 bonniers, 3 quarte­rons de terres labourables, rapportant 145 florins 18 patards par année. Sur cette somme, le chapitre payait annuellement 49 florins pour la décharge des messes réunies à ce bénéfice et pour les voyages du Récollet chargé de dire ces messes.

La paroisse de Leernes s'étendait autrefois sur une partie du territoire de Fontaine-l’Évêque.

Wautier de Fontaine, ayant obtenu du chapitre de Saint-Ursmer, à Lobbes, la création de la paroisse de Boegnies, donna, par une charte de 1211, à l'abbaye de Cambron, toute l'église - qui était, croit-on, une chapelle dédiée à Saint Vaast - le patronat, les douaires, tous les biens appartenant à cette paroisse avec toutes les grosses et menues dîmes y comprises, outre la petite part de dîmes de Forchies-la-Marche.

Cette paroisse, qui ressortissait anciennement au diocèse de Liège, est mentionnée dans le pouillé de 1558.

En 1245, le seigneur de Fontaine, grâce à l'influence de son fils Nicolas, archidiacre de Cambrai, à Valenciennes, fit démembrer de la paroisse de Leernes, l'église de Saint­-Christophe, qui n'était probablement qu'une chapelle, et la fit ériger en paroisse.

Comme semblable érection ne pouvait se faire, sans pourvoir l'église d'une dot suffisante pour assurer la subsistance du curé, l'entretien de l'édifice, le luminaire, etc., Wautier de Fontaine, avec le consentement de sa femme et de son fils Nicolas, précité qui fut plus tard évêque de Cambrai, donna, par acte du mois d'avril 1245, à la nou­velle paroisse, 20 bonniers de terres, outre 12 autres bonniers, pendant le temps que le curé de Leernes, de l'époque, maître Hugo, dont les droits acquis devaient être respectés, resterait en fonctions.

D'après l'acte d'autorisation d'érection de la nouvelle paroisse émanant du chapitre de Saint-Ursmer à Lobbes et portant la date du 5 avril 1245, le seigneur de Fontaine était tenu, à perpétuité, à la réparation de la grille du chœur, à la fourniture des livres, ornements et calices, au paiement du droit de visite par l'évêque ou l'archidiacre, et à la visite du doyen, ainsi que le dit chapitre était obligé de le faire à Leernes; cet acte mentionne aussi d'autres dispo­sitions relatives à diverses charges, dîmes, etc.

La juridiction du curé de Saint-Christophe était non seulement bornée à l'enceinte de Fontaine-l’Évêque, mais il conste de l'acte d'érection de 1245, que la partie de cette ville, composant la nouvelle paroisse et qui était autrefois de celle de Leernes, ne pouvait s'étendre au-delà des murs, sans préjudice aux droits du chapitre de Saint-Ursmer.

En vertu du décret du 16 octobre 1803, qui érigea l'église de Saint-Christophe en doyenné, la circonscription de la paroisse rétablie s'étendit, outre la partie urbaine, sur la rive gauche du ruisseau de la Bablonne, au-delà du rem­part, jusqu'aux limites de la juridiction de Fontaine-l’évêque, vers Leernes. suivit ces limites jusqu'au sentier du bois de la Charbonnière et le dit sentier jusqu'à la porte du Marteau.

Quant à la paroisse de Boegnies, elle comprenait, en 1533, une partie de la ville et s'étendait « un peu par-delà la porte de Leernes, trois ou quatre maisons avant, revenant droict à ligne des murailles du cimetier de Boegnies, jusques à la maison Jehan Harcq exclusivement ».

Le décret de 1803, qui érigea en succursale l'église de Saint-Vaast (intra muros), lui assigna pour circonscription une partie de la ville et, au-delà du rempart, le territoire situé sur la rive droite du ruisseau dit de la Bablonne, jusqu'aux limites de la juridiction de Fontaine-l’Évêque et, en suivant ces limites, jusqu'au sentier du bois de la Charbonnière, allant à la porte du Marteau.

Dans cette ligne de démarcation se trouvaient plusieurs maisons qui avaient dépendu jusqu'alors de la paroisse de Leernes, mais comme elles faisaient partie de la commune de Fontaine-l’Évêque, elles furent rattachées, par le même décret, à la succursale de Saint-Vaast.

A part les « dîmages » appartenant à la chapelle de Saint-Jean en l'église de Saint-Christophe, et à l'abbaye de Cambron, le chapitre de Saint-Ursmer à Binche, prélevait la grosse dîme, consistant en l'onzième gerbe, sur tout le territoire de l'ancienne paroisse de Leernes, tel qu'il se compo­sait avant la séparation des communes de Leernes et de Fontaine et l'érection des paroisses de Saint-Vaast et de Saint-Christophe.

Une partie de la dîme avait été attribuée au curé de Saint-Christophe. Elle se prélevait sur quelques terres situées entre Baillissart et le « dismage » de la chapelle de Saint-Jean ; le curé de Saint-Christophe levait aussi tous les fruits et les poules sur un bonnier et demi de jardin, situé sur les Meits, où il y avait une maison, alors que le chapitre de Binche levait le foin.

Des démêlés ayant surgi entre le curé de Saint-Christophe et le Chapitre de Binche, une sentence provisionnelle fut rendue en faveur de ce dernier, qui demeura en paisible jouissance des parties contentieuses, moyennant de donner au dit curé, pour sa part et portion le neuvième des quatre espèces de grains, consistant en blé, épeautre, avoine et pois.

La répartition des dîmes de Leernes se faisait de la ma­nière suivante quand tout était rentré dans la grange, on remettait aux batteurs ainsi qu'aux voituriers et aux « cacheurs », leurs salaires en grains, en argent, en paille ou en fourrage. Le curé de Leernes avait alors, pour sa portion et son gros, le cinquième de tous les grains, « foeuvres », pailles et « estraints », le curé de St-Christophe à Fontaine, le neuvième du blé, de l'épeautre, de l'avoine et des pois, le curé ou le clerc de Forchies, un muid de blé et un muid d'avoine. Le reste revenait au chapitre de Saint-­Ursmer à Binche ou à ses fermiers. Toutefois, le curé de Leernes pouvait, s'il le voulait, prendre aux champs, sa part consistant en la cinquième gerbe de tous grains sur tout le « dismage » et la cinquième « partie des foeuvres » venant à la grange à Leerne, de tous les prets entour de Leernes, dehors le pretz allant par-delà Fontaine, qui vont à la disme de Fontaine et les prets vers Wespes et par-delà, jusqu'à Sambre, qui vont à la disme de Wespe ».

On voit aussi qu'indépendamment du cinquième de toute la grosse dîme de Leernes, le curé avait encore le tiers, en tout et partout, de la menue dîme, des rapports d'autel, des offrandes et des oblations, ainsi que des laines et des agneaux. Au sujet des remessiages - (relevailles), la coutume était de donner au curé, seul, une chandelle de six deniers et six deniers pour « offertoire »; de chacun des mariés et mariées, il devait avoir trois deniers d'offertoire.

Les mambours de l'église livraient seulement une chandelle, dans le chœur, devant le Saint Sacrement de l'Autel, et une lampe qui était allumée à leurs frais, pendant l'office.

Ils livraient aussi à Noël, une chandelle de cire qui était allumée sur l'autel à la messe in galli cantu et à la messe in aurora, et dont le reste appartenait au curé seul.

Quant aux offrandes des trépassés de l'année, elles demeuraient au curé seul, quand il « étoit appointé à l'argent » mais quand on les faisait à l'autel, le curé n'en avait que le tiers.

Un cartulaire formé en 1670, indique par lieux-dits, les limites des « dimages » de Leernes, qui s'étendaient jusqu'aux murs de la ville de Fontaine-l’Évêque et celles des « dimages » de la chapelle de Saint-Jean et de l'abbaye de Cambron.

Il ne peut être question de publier ce cartulaire ; mais comme il nous renseigne, notamment, sur la topographie du pays à cette époque, on en trouvera ci-après quelques extraits qui pourront intéresser le lecteur.

La dîme de Leernes commençait au cellier de Fontaine, appelé le Tocquet, d'où « procédaient » les fontaines de la ville, et qui servait de séparation entre les « dimages » de Leernes et de la chapelle castrale de Saint-Jean en l'église de Saint-Christophe à Fontaine-l’Évêque.

Le « dismage » de la chapelle de Saint-Jean était compris dans l'enclos déterminé par les limites ci dessous indiquées prenant du dit cellier, à ligne droite au travers du jardin du même cellier, appartenant à demoiselle Anne de Lattre, de Thuin, allant droit parmi la fontaine à Chardons et de là à une borne qui est sur le bord de la fontaine à la Cresson­nière, la limite retournait, à équerre, droit à la Verte Borne, qui était dans la haie du jardin de la Foeullie, plantée auprès d'un hêtre, présentement mort, et qui, de tout temps, a servi de séparation entre les deux « dimages ».

De cette borne, la limite allait droit au bois de la Foeuillie, tout au long de la haie de la Foeuillie, jusqu'au chemin qui entrait dans ce bois, et descendait ensuite entre les terres du baron de Fontaine et les deux bonniers Philippe Martin, qui étaient autrefois communes appelées le Trieu-Carlier, jusqu'a quatorze appas prés du coin de la haie du pré nommé le Trou des Gades ; et de là allait, entre le dit Trou des Gades et le Trieu-Carlier, jusqu'au Touquet, dit le cellier, précité.

Entre le « dismage » de la chapelle de Saint-Jean et Baillissart, existaient plusieurs parties dont la possession fut contestée à l'église de Saint-Christophe et qui, comme nous l'avons vu, furent attribuées au chapitre de Saint-Ursmer, par une sentence provisionnelle suivie d'un accord entre les intéressés

Au-delà de la haie dans laquelle était plantée la Verte Borne, il existait une partie, dite la Feuillie, appartenant au baron de Fontaine, consistant en 25 bonniers de terres, ou environ, et 5 bonniers de trieu, faisant le tout, y com­pris l'Ermitage, environ 30 bonniers, qui s'étendaient depuis la dite haie jusqu'au terroir d'Anderlues. Ces parties étaient du « dismage » de Leernes, comme aussi celles de la couture de la Foeuillie - 38 parcelles - des prés de la Cresson­nière - 28 parcelles - et celles comprises dans le lieu-dit les Bois plantés, délimité par un bonnier et demi de bois, présentement essarté par le baron de Fontaine, tenant au chemin de Fontaine, à Binche, vis-à-vis de l'Ermitage de la Foeuillie, au chemin allant au Chêne Collart, au pré Lalloyau, jugement d'Anderlues, aussi au dit bois, descen­dant au Buironpont, où il y avait deux viviers appartenant au baron de Fontaine, et revenant, selon le jugement d'An­derlues, en arrière de Fontaine, au-delà du bois de la Marche, suivant le chemin de l'Alloène (?) et le dit bois de la Marche jusqu'au chemin de Piéton, d'où la limite suivait le bois derrière Henrichamps en allant vers Fontaine, jusqu’au pré Sire Gérard et au courtil. Tout ce qui était compris dans ce circuit et s'étendait en dehors des murs de Fontaine, jusqu'à la porte de Leernes, au chemin de Fontaine à Marchienne-au-Pont et au-devant du pont del Val, appartenait à la grosse dîme de Leernes, de même que la couture du Chêne Collart contenant 21 bonniers de terres (non compris les jardins) la couture de la voie de l'Allue - 58 parcelles, - les prés de Loison - 14 parcelles, - les 10 pièces de terres labourables entre les « paschis » les 12 paschys et prairies, les 8 terres, vis-à-vis de la chapelle de Notre-Dame de Bonne-Espérance, qu'on disait sur le Bouve, et les 6 1/2 bonniers, en deux parties, de pâturages et « paschys » du Chêne Collart.

La dîme de Leernes se percevait aussi sur la couture de Villers, qui s'étendait depuis le fossé de la couture de la porte de Binche, tout le long du chemin de Fontaine au Chêne Collart et à Piéton ; de ce chemin, la limite suivait le bois de la Marche en descendant le long des pres de la Corde, jusqu'au chemin de la Marche et jusqu a Henrichamps, d'où elle revenait, le long du fossé précité, de la couture de la porte de Binche jusqu'au chemin de Piéton.

Tout ce qui était compris dans les limites ci-dessus dési­gnées de la couture de Villers, devait la dîme au chapitre de Saint-Ursmer, sauf que sur le haut de cette couture, il existait un « dismage » particulier appartenant à l'abbaye de Cambron et qui était délimité par une ligne droite allant de la cheminée de la vieille maison de Henrichamps au clocher de l'Ermitage de la Foeuillie; au point où cette ligne rencontrait le chemin de Piéton, la limite suivait ce chemin jusqu'à la séparation entre la terre Martin le Clercqz, contenant quatre journels, et celle de la terre des héritiers Rolland Gressier, de Trazegnies, et, continuant cette sépa­ration, entre le dit Rolland Gressier et les quatre journels de Saint-Nicolas de Fontaine, entre la terre François Genefiefve, les huit journels de Henrichamps et les deux bonniers de la cure de Boegnies, entre les quatre journels de la dite cure et le bonnier Hubert Scarmur et, enfin, entre les quatre journels du sieur Lerond et le bonnier du sieur Blavier. Au bout de ces deux dernières terres, se trouvait une borne à partir de laquelle la limite se diri­geait, en ligne droite, vers le toucquet et coin du « pachys » de Henrichamps, nommé le « pachys à bouzins », d'où elle revenait tout le long de la haie du dit jardin? et des haies de la carrière jusqu'au coin d'en haut, sur les terres labou­rables; du dit coin, en descendant quinze appas sur la terre de Henrichamps, on rejoignait l'alignement déterminé par la cheminée de la vieille maison de Henrichamps et le clocher de l'Ermitage de la Feuillée, dont il vient d'être question.

Les lieux-dits ci-après appartenaient aussi à la dîme de Leernes : les prés de la Corde - 6 parcelles -, la couture de la porte de Binche  - 22 parcelles - la couture appe­lée les communes de Fontaine - 4 parcelles - la couture au-dessus de la Belle-Fontaine - 10 parcelles -, les pachys de la Belle-Fontaine et Henrichamps, terres et prairies - 11 parcelles.

La chapelle castrale de Saint-Jean, à Fontaine-l’Évêque, possédait encore une partie de dîme, située hors du clos de la ville, et dont la limite, partant de la porte de la Bouverie, s'étendait selon le dessous du chemin de Henrichamps jusqu'au ruisseau descendant du bois de la Marche, suivait ce ruisseau jusqu'au dit bois, qu'elle longeait, en retournant, jusqu'au chemin de Trazegnies à Fontaine, et suivait ce chemin jusqu'à la vieille porte de la vieille muraille de la ville.

Ce qui était compris entre ces limites, était du dismage de la chapelle Saint-Jean, excepté deux bonniers de terre en une pièce à Martin le Clercqz et à la veuve Antoine Potteau, un demi-bonnier de pachys à Guillaume Lambert et deux journels de pachys, à la veuve Jean Plechenier, le tout venant des communes.

Le chapitre de Saint-Ursmer levait aussi la dîme sur les Perseaux, qui étaient des jardins s'étendant entre le chemin de Trazegnies et la Gringotte, et sur les Meits, dont la limite commençait à la porte de Nivelles, à Fontaine, suivait le chemin de Trazegnies jusqu'au jardin Henry Leschevin, d'où elle retournait, le long du bois de la Marche, jusqu'à la justice Hennepen ( ?) et, en comprenant le bois de Fontaine, tout le long des communes de Forchies, qui traversaient le dit bois, descendait jusqu'au Sarty Jean Darmy ; de là, elle suivait la séparation du « dismage » de Cambron, continuait jusqu'à la terre – ci-devant jardin - appartenant à la cure de Saint-Christophe, - dismage de Leernes - allait droit à la Gringotte et de là, en descendant, continuait jusqu'à la porte du Marteau.

Il est à remarquer que le curé de Leernes levait la dîme sur trois parties situées à la porte du Marteau, l'une, dite la Foussière. contenant un bonnier et demi, appartenant au baron de Fontaine, joignant à la dite porte, l'autre, contenant un demi-bonnier à Hubert Parent, tenant à la com­mune, dite les Saultz et à la Foucière, et la troisième, un demi-bonnier, à Guillaume Martelle.

A la dîme de Leernes appartenaient aussi la Gringotte, la couture de Petreau, commençant à Baillissart, les courtils et jardins de Montplaisir, au Trou de la Bablonde, tenant aux murs de la ville, prés de la porte de Leernes, la couture des Marquaises, les jardins et les prés de Baillissart et la couture, à la chapelle Saint-Bernard, qui s'étendait entre le chemin de Marchienne et celui de Leernes.

Dans cette dernière couture, l'abbaye de Cambrai levait la dîme sur six parties de terre. Elle levait aussi la moitié de la dîme sur un demi-bonnier appartenant à Hubert Hannecart et une partie de la dîme sur un autre demi­-bonnier, appelé la Haute-Borne, tenant au précédent et appartenant aux hoirs Ghobert Fleschier, le reste de ces deux parties appartenant à la dîme de Leernes.

Les pages suivantes du cartulaire concernent la campagne de Leernes, qui s'étendait du pont à-le-Val, au jugement de Landelies, au trou d'Alne, au welz à Hourbes, au tournant de la Sambre et suivait les bois de Fontaine et de Leernes jusqu'à la limite des jugements de Fontaine et d'Anderlues, et dont la dîme appartenait au chapitre de Saint-Ursmer à Binche.

Dans un état de ses biens, formé au XVIIIe siècle, le cha­pitre de Saint-Ursmer évalua à un septième la part dans la dîme de Leernes revenant au curé de Saint-Christophe et à celui de Forchies ; il lui restait ainsi six septièmes sur lesquels le curé de Leernes recevait un cinquième. La grosse dîme de Leernes rapporta en 1792, au dit chapitre, la somme de 3335 livres.

L'Église, les curés, les possessions

Listes des curés de Leernes

  • 1245 - Maître Hugo.

  • 1460 - Jean Gobinel.

  • 1610 - Bauduin Leroy.

  • 1661 - Jean de Villers, vice-curé.

  • 1664 - Jean Regnault.

  • 1672 - Francois de Darmy.

  • 1676 - Daniel Moutequin.

  • 1687 - Jean-Baptiste Le Maire.

  • 1720 - François-Joseph Haway.

  • 1732 - Georges-F. Durant

  • 1778 - C.-J. Motte.

Possessions ecclésiastiques

L'abbaye de Lobbes possédait à Leernes un domaine que lui avait donné Pépin de Herstal.

Ce domaine comprenait, à la fin du XVIIIe siècle, outre la haute, la moyenne et la basse justice. la cense dite « du Forest », contenant 69 1/2 bonniers, louée, en

l'an III de la République 580 florins, une prairie contenant 2 bonniers, 157 verges, louée 6 couronnes, une terre d'un bonnier 1/2 et une prairie arrentée au locataire, le tout moyennant 13 florins, et le bois de Saint-Pierre contenant cinq bonniers, 60 verges 2/3, dont la raspe fut vendue, en 1782, au prix de 18 écus Brabant-Liège le bonnier, soit ensemble 360 florins Brabant-Liège, valant 312 florins argent Roy courant.

L'abbaye de Lobbes avait, en outre, dans les bois ci-après, les 2/3 de la haute futaie, l'autre tiers appartenant au haut-avoué et la raspe entière à la communauté de Leernes :

Taille de la Hougaerde contenant 43 bonniers 225 verges
Tailles Laïque et Bilquin,    
Laïque 10 bonniers 260 verges
Bilquin 20 bonniers 234 verges
Taille Manon Gille 31 bonniers 220 verges
Taille Pilot 30 bonniers 21 verges
Taille Pilot 29 bonniers 337 verges
Taille Goutteau 27 bonniers 87 verges
Taille Goutteau 28 bonniers 0 verge
Taille du Bouly 18 bonniers 5 verges
Taille del Hutte 41 bonniers 16 verges
Taille aux charnes 17 bonniers 0 verge
Ensemble : 295 bonniers 405 verges

Dans les bois désignés ci-dessous, l'abbaye de Lobbes possédait les deux tiers de la haute futaie et deux sixièmes de la raspe, l'autre tiers de la haute futaie et le sixième de la raspe appartenant au haut-avoué, et la moitié de la raspe à la communauté de Leernes.

Taille du Laury contenant 23 bonniers 26 verges
Taille de Pechant ou de Jean le Fèvre 35 bonniers 300 verges
Taille des Ternes de Warnivenne ou du Trou d'Alne 36 bonniers 203 verges
Bois del Huge 14 bonniers 38 verges
Taille Navez 31 bonniers 138 verges
Ensemble : 139 bonniers 705 verges

A la même époque, les rentes seigneuriales et foncières perçues par l'abbaye, s'élevaient ensemble, pour plus de 200 redevables, à 35 couronnes.

Les propriétés de l'abbaye furent vendues comme biens nationaux, savoir :

  • le 23 ventôse an VI, la cense du « Forest », avec 63 bonniers, au prix de 1.250.000 francs (En assignats, vraisemblablement), sur la mise à prix de 30.000 francs ; 2 bonniers de prairie, occupés par Dormans, au prix de 2400 francs, sur la mise à prix de 1800 francs;

  • le 6 ventôse an IX, un bonnier 213 verges de terre, occu­pés par Delvaux, au prix de 1000 francs, sur la mise à prix de 400 francs.

  • Le 8 messidor an VI, furent vendus 28 bonniers un journel de terre, appartenant à la cure de Saint-Christophe, au prix de 256.000 francs, sur la mise à prix de 18.000 francs.

  • La cure de Leernes, avec jardin, fut adjugée le 24 vendémiaire an VII, au prix de 15.000 francs, sur la mise à prix de 3000 francs.

L'abbaye d'Alne possédait à Leernes, 7 bonniers 249 verges et 4 bonniers 245 verges de terres et prés, qui furent vendus respectivement 4100 et 2500 francs, sur les mises à prix de 2400 et de 1200 francs.

La chapelle de Sainte-Elisabeth à Thuin, possédait à Leernes, 9 bonniers un journel de terres, en neuf pièces, devant les droits seigneuriaux à l'abbaye de Lobbes. Ces droits, payables par le fermier, s'élevaient par an, à 3 vasseaux 2/3 et 1/6 de pinte d'épeautre, et à 11 sols 8 deniers en argent.

Quant à la chapelle de La Marche, elle possédait à Leernes, en 1773 : le pré Jean Paul, contenant 4 journels ; 7 bonniers à happe, tenant au pré de la Planchette, et 3 bonniers au Camp de l'Espinette, traversés par le chemin de Binche à Marchienne, soit onze bonniers un journel dont Jean Dumorteau se disait propriétaire et qui devaient le droit seigneurial à l'abbaye de Lobbes.

Un fait historique

En face de l'abbaye d’Alne, sur la rive gauche de la Sambre, à la limite du territoire de Leernes, existe une enceinte rectangulaire, d'environ six mètres carrés, qui semble avoir été fortifiée et que l'on appelle vulgairement le camp ou le château des Gueux. De cette enceinte, située sur Leernes, la vue s'étend, dit M. Van Bastelaer, au loin en amont et en aval de la Sambre, entre les nombreux sommets qui s'avancent de droite et de gauche à chaque tournant de la rivière. M. Van Bastelaer en a déduit que ce point a pu être utilisé autrefois pour la correspondance, par feux et fanaux, avec les plateaux élevés que l'on voit vers le haut et vers le bas de la Sambre et ou l'on a constaté des restes de retranchements primitifs remontant aux temps préhistoriques.

On croit aussi que le château des Gueux tira son nom de ce que les insurgés, dits Gueux, qui luttèrent contre l'Espagne, s'y retranchèrent en 1568 et y élevèrent des travaux de défense.

En 1794, l'armée française de Sambre-et-Meuse, commandée par Pichegru et Charbonnier, ayant passé la Sambre, occupa le plateau de l'Espinette dépendant des communes de Leernes et de Landelies, et lutta contre les Autrichiens pendant plus de six semaines pour la possession de la ville de Fontaine-l’Évêque, qui fut prise et reprise par les deux armées ennemies. C'est du camp de l'Espinette que Charbonnier alla incendier les abbayes d’Alne et de Lobbes et le château de Mariemont.

Les républicains français, s'ils apportèrent, soi-disant, la liberté, n'enrichirent pas le pays. D'un acte du 6 juin 1795, il résulte que les bourgeois de Leernes et Wespes, assemblés ce jour dans l'école, en présence de deux notaires, attestèrent, du moins la plus grande partie d'entre eux, qu'ils se trouvaient réduits à la misère, au point de manquer de pain, par suite de l'extrême rareté du grain ; qu'ayant vendu ce qu'ils possédaient pour pouvoir se procurer du grain, ils n'avaient plus d'autre ressource que d'engager les biens de la communauté en garantie d'un emprunt destiné à être réparti entre tous, pour atteindre l'époque de la récolte de la moisson. Les comparants autorisèrent unanimement leur bourgmestre-régent, Georges Thomas, à emprunter une somme de 1300 écus d'Espagne pour être distribuée, à raison de 10 écus environ, à chaque chef de famille bourgeoise, et à donner en hypothèque tous leurs bois, contenant environ 300 bonniers, et les autres revenus de la communauté.

Le 30 juin suivant, la moitié de cette somme, soit 650 écus argent d'Espagne, l'écu aux couronnes de France à 9 escalins, 2 patards 4 deniers, argent courant de Brabant, fut prêtée par Nicolas Marcq, échevin et fermier de la Jonchière, aux conditions du recès du 6 de ce mois.

L'organisation communale

Les privilèges de la bourgeoisie

Leernes

Comme dans la plupart des communautés de la principauté de Liège, les bourgeois et masuyers de Leernes se réunissaient certains jours de l'année, notamment le jour des Rois et à la Saint-Remy, pour s'occuper de l'administration des intérêts locaux. L'assistance à ces réunions, qu'on désignait sous le nom de plaids généraux, était obligatoire, sauf empêchement légitime. On y réglait, à la pluralité des suffrages, les questions relatives aux impôts, aux emprunts, aux ventes et locations des biens communaux, à l'élection des deux bourgmestres-régents et toutes celles touchant le bien commun.

Les résolutions, prises après délibération et qui portaient le nom de recès, étaient enregistrées par la cour de justice, afin de leur donner la valeur légale.

Les bourgmestres avaient la direction des affaires de la communauté et des deniers publics. Ils devaient communiquer les affaires importantes aux habitants assemblés aux plaids généraux.

lis avaient la connaissance et l'exécution des moyens publics de la communauté, de l'acquisition des droits de bourgeoisie et des choses de la police, à l'exclusion de tous autres juges. Ils devaient assurer l'ordre dans les assem­blées des bourgeois, veiller à la sûreté des habitants, empêcher l'introduction de bêtes malsaines et tenir la main à l’observation des règlements relatifs à la propreté et à l'embellissement du village.

Les bourgeois et masuyers de Leernes et Wespes jouis­saient de certains droits et privilèges qui leur étaient garantis par l'usage et par des chartes.

C’est ainsi que si l'abbé de Lobbes et le seigneur de Fontaine, avoué, avaient les chênes et les hêtres de tous les bois situés sur le jugement, les bourgeois et les masuyers qui, en effectuant des voiturages dans ces bois, brisaient les essieux ou autres parties de leurs chariots, pouvaient y prendre ce qui leur était nécessaire pour les réparer.

L'abbé de Lobbes et le seigneur de Fontaine pouvaient et devaient vendre chaque année, de commun accord, le taillis et la futaie de dix bonniers des bois de Leernes en suivant l'ordre des coupes.

L'acquéreur devait commencer à tailler à l'un des bouts de la coupe et abattre les chênes et les hêtres, tout en avan­çant; quant aux bourgeois et masuyers, ils pouvaient « tailler le mort-bois ( Mort-bois, broussailles, ronces, épines, bruyères, genêts, troènes, et autres buis blancs qui ne peuvent servit aux ouvrages) dans cette coupe, à l'encontre de l'acquéreur, en commençant où il leur plaisoit, mais en suivant sans laisser d'intervalle ».

Les bourgeois et masuyers pouvaient aussi « tailler » le mort-bois et faire pâturer leurs bêtes - c'est-à-dire prendre leurs aisements -, dans tous les autres bois de Leernes et Wespes ayant plus de sept ans.

Ils avaient le droit de prendre l'herbe à la main ou de la couper avec la faucille, sans toucher au bois, respectivement dans les tailles d'un an et de trois ans ; dans celles de cinq ans, ils étaient autorisés à mettre leurs chevaux, mais nulle bête, sauf les chevaux, ne pouvait pâturer dans les coupes de moins de sept ans.

Quand il y avait « paisson (pâturage dans les bois)» dans les bois, les bourgeois et les masuyers pouvaient y mettre chacun un porc, à charge de payer, pour un mâle, deux vieux lovingnois et pour une femelle, quatre vieux lovingnois. Et dans le cas où un bourgeois ou masuyer, une bourgeoise ou masuyère n'avait pas de porc, il lui était loisible de donner ou de vendre son droit à un habitant de la communauté. Lorsque les porcs se trouvaient en bon état d'engraissement, on devait les con­duire, au jour fixé, à la maison de la Forest, où chaque bourgeois ou masuyer payait, pour chacun, à l'abbé de Lobbes ou à son commis, la redevance indiquée plus haut. Si l'on jugeait qu'il y avait encore moyen de pâturer dans les bois, après ce jour, chacun pouvait y envoyer autant de porcs qu'il voulait, sans rien payer.

Les bourgeois et les masuyers habitant Leernes et Wespes, ainsi que les afforains (propriétaires de fonds, qui ne demeuraient pas sur le jugement), pouvaient prendre au bois des pommiers, poiriers, néfliers, cerisiers et toutes autres essences, excepté les chênes et les hêtres, pour les replanter sur leur terrain situé dans le jugement, mais non ailleurs. De même, les bois provenant des aisements ne pouvaient être transportés ou vendus hors du jugement, mais devaient y être consommés ou utilisés, soit par ceux qui les avaient coupés, soit par d'autres qui les avaient achetés.

Pour l'exercice de ces droits, les bourgeois et masuyers demeurant au jugement de Leernes, étaient tenus de payer chaque année, à l'abbé de Lobbes, au jour Saint-Etienne, une poule ou la valeur à déterminer par les échevins.

Les bourgeois et masuyers de Leernes et Wespes, demeu­rant au jugement, de même que ceux habitant Fontaine, avaient leurs aisements, à leur volonté, dans les raspes de Baillieusart, de Boucheronsart, de Henricamp, du Périsiaul ainsi que sur le pâturage des Meirs, moyennant une poule 011 sa valeur à fixer par les échevins, à payer chaque année, le jour Saint-Etienne, à l'abbé de Lobbes, sans que celui-ci pût exiger autre chose.

La Falizote, située entre le Luch et Morignez, le Lus, le petit Lus, le Markais et les Marlières étaient warissais et aisements des bourgeois et masuyers de Leernes et Wespes.

Il était facultatif à l'abbé de Lobbes d'établir dans le juge­ment et seigneurie de Leernes, un moulin banal auquel les bourgeois et masuyers auraient été obligés d'aller moudre. Ceux-ci, par contre, avaient leurs aisements sur La Plaigne, à Leernes, ainsi que sur la Joncquière et Le Monchiau à Wespes.

Les bourgeois et masuyers de Leernes et Wespes pouvaient pêcher de toutes manières, sans harnas gisants trois jours par semaine jusqu'au milieu de la Sambre, depuis la limite du jugement, vers Landelies, jusqu'au wez à Hourbes, mais il était défendu de transporter ou de vendre hors du juge­ment les poissons pris. Les limites de cette pêche sont indiquées dans une déclaration de 1251, insérée dans le cartulaire de l'abbaye d’Alne.

En 1678, la communauté de Leernes ayant décidé de vendre la coupe de quelques bonniers de bois de raspe, Jean-Charles de Hellin comparut le 1er décembre de cette année, devant la cour et justice, et représenta que cette vente ne pouvait avoir lieu sans son consentement et sans préjudice des droits lui acquis en sa qualité d'avoué, protestant contre les bourgmestres et la communauté, de tous dom­mages et intérêts, ainsi que de la nullité de cette vente.

Les maîtres de ville, présents, et partie-faisant pour la communauté, répliquèrent que la vente qui devait avoir lieu ce jour avait été résolue et arrêtée par la communauté assemblée aux plaids généraux de la Saint-Remy, après avoir été autorisée par l'abbé de Lobbes, seigneur foncier de Leernes. Ils protestèrent « de nullité de la prétendue protes­tation de l'avoué, déniant qu'ils étoient obligés d'avoir sa permission autrement que comme bourgeois du lieu, laquelle il auroit pu refuser Si, comme tous les autres, il s'étoit trouvé aux plaids généraux ». Ils dénièrent, de plus, que la communauté avait autrefois demandé telle permission à l'avoué ou à ses prédécesseurs, pour semblable vente de raspe. Ils désavouèrent, en outre, les demandes qui avaient pu lui être faites par certains particuliers de la communauté, non commissionnés à cet effet, ajoutant qu'il n'avait pas, à ce sujet, plus de droit que tout autre bourgeois, et protestant de tous dommages et intérêts qui pourraient résulter de son opposition.

La vente annoncée ayant eu lieu le 1er décembre, nonobs­tant sa protestation, l'avoué comparut de nouveau devant la cour et justice, le 19 du même mois ; il déclara qu'en vertu des pouvoirs que lui conférait sa qualité d'avoué, il avait retenu les portions vendues et à vendre, avec promesse d'accomplir les conditions de la criée, et nanti en argent le prix de vente, selon la coutume, requérant la mise en garde de loi de sa déclaration et d'en avoir une copie authentique, pour s'en servir au besoin.

Des abus et des contestations, s'étant produits au sujet du droit de bourgeoisie, la communauté de Leernes fit dresser en 1758, un règlement déterminant les conditions voulues pour acquérir ce droit.

Aux termes de ce règlement, qui fut approuvé par l'or­donnance du 22 juillet 1758 du prince-évêque Jean-Théodore, tous les manants et habitants de Leernes-Wespes, y domiciliés et y résidant à cette époque, originaires ou non de ces localités, devaient jouir, selon l'usage, du droit de bourgeoisie et de tous les privilèges attachés à cette qualité, tant au sujet du partage des bois et des glandées que des autres revenus, aussi longtemps qu'ils conserveraient leur domicile dans la communauté.

Celui qui transférait son domicile dans une autre com­mune, était déchu, ipso facto , de son droit de bourgeoisie. S'il revenait fixer son domicile à Leernes et Wespes, il pouvait être admis de nouveau à la bourgeoisie en remplissant les formalités voulues ; toutefois, s'il était originaire de la communauté, il rentrait gratuitement dans tous ses droits.

Les enfants de bourgeois, nés dans une localité autre que Leernes, où leurs parents avaient transféré leur domicile, ne pouvaient jouir du droit de bourgeoisie sans l'avoir acquis, sauf cependant ceux qui étaient nés accidentellement hors de la communauté, d'une mère reconnue bourgeoise.

Les filles de bourgeois jouissaient des mêmes droits que les garçons et communiquaient ce droit à leurs maris, bien qu'ils fussent étrangers, et aux enfants nés de leur mariage, dans la communauté. Mais si le conjoint, bourgeois ou bourgeoise, venait à mourir, le survivant ne continuait de jouir du droit de bourgeoisie qu'il avait acquis par son mariage, qu'aussi longtemps qu'il restait veuf; le remariage avec un non-bourgeois ou une non-bourgeoise, entraînait la déchéance du droit de bourgeoisie et les enfants du second lit n'y avaient aucun droit, à moins qu'ils n'en fissent l'ac­quisition.

Les enfants de père et de mère non-bourgeois, bien que nés à Leernes, n'étaient pas bourgeois, s'ils n'avaient acquis le droit de bourgeoisie.

Les bourgeois qui vivaient en commun, usant d'un même feu et d'un même pain, ainsi que les orphelins. vivant en commun ou même séparément, étaient réputés comme ne faisant qu'un seul ménage et une même personne, au sujet des droits attachés à la bourgeoisie.

Si l'un des orphelins, majeur ou marié, venait à se séparer et à tenir ménage à part, il entrait dans la pleine jouissance de tous ses droits ; quant aux autres frères et sœurs, ils continuaient de jouir ensemble des prérogatives attachées à la bourgeoisie.

Les manants non-bourgeois, ne pouvaient s'ingérer dans l'administration des biens et des droits de la communauté.

Ceux qui voulaient acquérir le droit de bourgeoisie, devaient préalablement se conformer aux mandements généraux et se faire agréer, tant par le seigneur du lieu que par la communauté assemblée, conformément au mandement du 31 mars 1734, du prince-évêque ; ils devaient, de plus, payer pour droits, quarante florins de Brabant à la caisse de la communauté, outre un écu à chacun des bourg­mestres-régents, et prêter serment d'être fidèles au prince, soumis à leur seigneur, et de soutenir les intérêts de la communauté.

Ceux qui étant nés dans la communauté de parents qui y avaient leur domicile fixe, mais qui avaient été déchus de leur droit de bourgeoisie, pour cause de changement de domicile, venaient y résider de nouveau, étaient admis à la bourgeoisie, moyennant l'accomplissement des conditions imposées aux étrangers, et cette admission ne pouvait leur être refusée, sans cause légitime.

Les fermiers habitant la cense de la Forêt, appartenant à l'abbaye de Lobbes, et le château de la Jonchière appartenant à la baronne de Méan de Pailhe, haute-avouée de Leernes, jouissaient des droits attachés à la bourgeoisie. Toutefois, si ces fermiers n'avaient pas acquis le droit de bourgeoisie, leurs enfants n'étaient admis à la bourgeoisie qu'en en faisant l'acquisition. Et comme ce droit était censé appartenir à ces deux fermes plutôt qu'aux occupants, les fermiers le perdaient, à l'expiration de leur bail.

Non seulement les étrangers n'étaient admis au nombre des bourgeois que moyennant l'accomplissement des forma­lités mentionnées dans le mandement de 1758, qui vient d'être analysé, mais nul ne pouvait s'établir à Leernes, de même que dans les autres paroisses du pays de Liège, sans produire au curé un certificat de religion, de bonne vie et mœurs, et des lettres de mariage, s'il était accompagné d'une femme. Le curé faisait faire une profession de foi par l'arri­vant et, en cas de refus, il le dénonçait aux supérieurs. Les maïeur et échevins devaient faire sortir de la communauté ceux qui ne s'acquittaient pas des obligations ci-dessus, ou qui refusaient de fournir une caution de 50 écus « pour être reçus à habitation » conformément au mandement du 20 mars 1734 du prince-évêque.

Pour se conformer à cette prescription, Joseph Martin d'Anderlues, comparut le 6 août 1771, par-devant la cour de Leernes et déclara donner en garantie, à titre de caution, pour que son beau-fils Louis Sadin fut reçu à habitation au village de Leernes, environ trois hectares de terres labou­rables, situées à Gozée et Marbais.

La perception des revenus et des impositions de la com­munauté était mise en adjudication et confiée à ceux qui s'offraient à l'effectuer au prix le moins élevé. Les comptes se rendaient chaque année par les collecteurs, aux bailli, maïeur, échevins, maîtres de ville et communauté, assem­blés aux plaids généraux.

On conserve au secrétariat communal, plusieurs comptes de tailles et d'impositions diverses, relatifs aux années 1651 et suivante.

Le compte de 1651, rendu par Jean Carpen, porte en recettes

taille collectée par Jourdain 15 florins, 14 patards ; coupe de bois 100 florins, 3 patards ; amendes pour des bestiaux trouvés dans les bois 4 florins, 3 patards. Ensemble 119 florins, 17 patards.

Parmi les dépenses figurant à ce compte, se trouve un paiement de 12 florins au maïeur, pour voyage à Liège, au sujet des affaires de la communauté.

L'impôt dit de l'oeil du moulin, produisit en 1713, une somme de 390 florins 15 patards.

Un compte de cette année mentionne en dépenses, pour bière aux bourgeois le jour de la remise des comptes, 4 florins 10 patards et la même somme, le jour de la vente des coupes de bois.

Les possesseurs de certaines prairies ne pouvaient jouir que de la première coupe d'herbes, les regains appartenant à la communauté.

Pour se soustraire à cette servitude, les intéressés rache­taient le droit de disposer des regains. D'un acte du 16 mai 1780, déjà cité, il résulte que les bourgmestres-régents remirent à Nicolas Marcq, pour 99 ans, moyennant le prix annuel de 4 florins 10 patards Brabant, du cri de Liège, les regains que la communauté avait le droit de couper après l'enlèvement de la première dépouille, dans la partie de la grande prairie, dite le « pachy du Gaux », appartenant en propriété au dit Nicolas Marcq, fermier du château de la Joncquière et bailli du haut-avoué de Leernes, partie séparée par deux bornes tenant à la prairie de la cense du Gaux.

On voit encore que le 5 octobre 1780, Jacques-Philippe Mahieu, reprit à stuit, (à bail) moyennant cinq florins Brabant-Liège par an, les regains de ses prairies de Pechant.

Aujourd'hui, la commune de Leernes possède, entre autres, le bois de Leernes contenant 50 hectares 69 ares 80 centiares et le bois Navez contenant 15 hectares 32 ares 50 centiares.

L'organisation communale

Liste des maîtres de ville ou bourgmestres-régents

  • 1447 - Jean Collinet, dit le voirier.

  • 1462 - Jehan Lainghle, dit Ernould et Piérar Piet.

  • 1605  - Antoine Jourdin et Antoine Levisse.

  • 1678  - Guillaume Motquin et Gabriel Bataille.

  • 1683  - Jean Rocher et Martin Joset.

  • 1686  - Grégoire de Montignie et Jacques Gillot.

  • 1701  - Jean le febvre et Pierre Monart.

  • 1704  - Etienne de Namur et Jean Monart.

  • 1721  - François Renard et Ernest Colletle.

  • 1733  - Nicolas ArtiHou et Augustin Mattot.

  • 1758  - Jean-Joseph Andri et Jean-Simon Lyon.

  • 1759  - Guillaume Battaille et Hubert Helmin.

  • 1761  - Francois Mahien et Hubert-Joseph Helmin

  • 1765  - Richard Taimont et Jean Deltenre.

  • 1771  - Richard Taimont et Jean-François Delvaux.

  • 1779  - Jean-Joseph Demanez et Jean-François Delvaux.

  • 1785  - Nicolas-Joseph Marcq et Jean-François Delvaux.

  • 1786  - Jean Renson et Jean-François Delvaux.

  • 1795  - Georges Thomas.

Cour et Justice

Un corps échevinal, composé de sept membres ayant pour chef un maïeur, et connu sous le nom de cour et justice, était chargé de rendre la justice à Leernes et Wespes.

Les échevins avaient des attributions toutes différentes de celles qu'ils ont aujourd'hui. Dans le principe, ils étaient chargés de la gestion des affaires communales, qu'ils cumulaient avec leurs fonctions judiciaires. Plus tard, l'adminis­tration des communautés fut confiée exclusivement aux bourgmestres-régents, avec la participation de la généralité des habitants, et si la cour assistait encore à leurs déli­bérations, ce n'était plus que pour enregistrer les résolu­tions, afin de leur donner une valeur légale.

La cour et justice de Leernes connaissait de toutes actions civiles personnelles contre les surcéants habitant sa juridiction. Lorsqu'il s'agissait d'affaires importantes, on pouvait en appeler aux échevins de Liège qui formaient la souveraine justice. En matière criminelle, aucun décret de prise de corps, aucune sentence de condamnation ne pou­vait être rendue par la cour, sans demander recharge ou rencharge à la souveraine justice. A cet effet, le greffier transportait les pièces du procès à Liège et en rapportait la sentence qui était définitive.

D'une attestation délivrée le 1er mars 1702, par les bailli, greffier, maïeur, et échevins de Lobbes, il résulte que l'abbé de Lobbes exerça, de tout temps, plusieurs préroga­tives de souveraineté dans toutes ses terres, notamment à Leernes et Wespes ; personne autre que lui n'y donnait les octrois pour charger ou aliéner les biens de la commu­nauté ; les procureurs ne pouvaient plaider à la cour sans être autorisés par lui ; il faisait surseoir aux plaids, les remettait à sa volonté, et « rémissionnait » les crimes d'homicide et autres.

La cour devait tenir les plaids aux jours accoutumés, pour le moins tous les quinze jours, et plus souvent Si c'était nécessaire, par ordre du seigneur, après convocation par le sergent. Le maïeur et les échevins, en nombre compétent, le greffier et le sergent devaient y assister, sous peine d'amende.

Les limites des jugements de Leernes et de Fontaine ayant été discutées par les intéressés pendant plusieurs siècles, il se trouvait, dans la partie contestée, certaines « tenures » où jugeaient les échevins de Leernes ; de plus, le jugement de Leernes s'étendait dans l'enceinte de la ville de Fontaine-l’évêque, mais, par contre, il existait sur Leernes, des enclaves appartenant à Fontaine, qui faisaient dire que l'on ne « pouvoit issir (sortir) du jugement de Fontaine sans passer sur le poioir de Leernes », et sur lesquelles s'étendait la juridiction de la « seule et unique justice de cette ville ».

Par record du 24 juillet 1598, la cour de Leernes et Wespes, à la requête de Guillaume Noël, procureur-postu­lant, résidant à Fontaine-l’Évêque, déclara que les bour­geois, manants et habitants de Leernes étaient « adjournables » par-devant la cour de Fontaine et étaient tenus d'y comparoir comme, réciproquement, les bourgeois, manants et habitants de Fontaine étaient sujets à la verge de la cour de Leernes, lorsqu'ils y étaient « adjournés ».

Depuis toujours, les échevins de Leernes étaient accou­tumés, lorsqu'il leur plaisait et le cas échéant, de tenir siège de justice en la ville de Fontaine, sur le banc de la maison Gobert Regnier ; d'autre part, la cour de Fontaine pouvait siéger au village de Leernes, auprès de la maison de l'hôpital.

D'après le record précité, il existait sur le marché de Fontaine un perron dont l'érection était si ancienne qu'il n'en restait aucun souvenir.

Aux fêtes marchandes de cette ville, on dressait un aigle en signe de franchise, et pendant toute la durée de la foire, on ne pouvait faire arrêt sur personne. En dehors du temps des fêtes marchandes, ceux du Hainaut étaient saisissables à Fontaine, mais il n'en était pas de même de ceux du pays de Liège, tels ceux de Leernes et Wespes, qui ne pouvaient être actionnés ou traités que par-devant les juges des cours subalternes dont ils étaient justiciables ou par-devant les échevins de Liège.

Les surcéants de Leernes et Wespes, comme tous ceux du pays de Liège, ne pouvaient être arrêtés pour dettes, ni pour crime, sinon en cas de flagrant délit ou en vertu d'un jugement appréhensible. Ils devaient être cités par-devant leurs juges ordinaires et compétents, et non ailleurs. Il était défendu de saisir, arrêter et exécuter dans sa maison, malgré lui, un débiteur condamné, ou ses meubles, sans une permission spéciale du juge.

L'abbé de Lobbes, seigneur-tréfoncier de Leernes, y nommait le maïeur, les échevins et deux sergents ; un troisième sergent était nommé par l'avoué. Le maïeur prêtait serment devant les échevins. Les trois sergents, qui devaient être masuyers de Leernes et Wespes, prêtaient serment au maïeur, par-devant les échevins, de faire rapport à la cour et justice, dans les quarante jours, de tous délits de bois et de toutes autres contraventions qu'ils constateraient dans la juridiction, et de conduire à la maison dite La Forest, appartenant à l'abbé de Lobbes, les délinquants arrêtés, qui devaient être poursuivis devant les échevins.

Lorsqu'il y avait des prisonniers à la maison de La Forest, l'abbé de Lobbes et l'avoué devaient y mettre respectivement deux et un sergent, pour les garder.

Les sergents recevaient chacun, par jour, un vieux gros, ou la valeur, pour les frais et dépens des détenus, et ils ne pouvaient demander davantage. Si ceux-ci étaient acquittés du chef des faits qui avaient donné lieu à leur arrestation, les frais restaient à charge du seigneur et des plaignants. En cas de condamnation, les sergents des échevins, chargés de garder la prison, recevaient chacun six vieux blancs par jour, outre les frais de nourriture, d'après l'ordinaire des gardiens.

Le sergent chargé, par jugement des échevins, de faire des assignations hors du jugement de Leernes et Wespes, recevait 12 vieux blancs par jour, pour ses frais et dépens. Ces frais étaient à charge du plaignant si l'assigné faisait défaut, mais s'il se présentait, ils étaient payés par le con­damné.

Les deux sergents des échevins recevaient chaque année, sur les blancs de la part de l'abbé, 12 vieux blancs, et le maire, deux sous blancs.

Outre leurs fonctions judiciaires, les échevins interve­naient dans l'administration des biens des pauvres, dans les testaments, dans les arrentements, transports, dona­tions entre vifs, ventes et partages de biens, baux à loyer et à ferme, serments, ainsi que dans les actes d'émanci­pation d'enfants mineurs, de création et de remboursement de rentes, etc.

Ils donnaient l'authenticité voulue à leurs actes en y apposant le sceau échevinal, qui était ordinairement aux armes du seigneur. En ce qui concerne Leernes, il ne reste d'autre souvenir de l'ancien régime qu'un sceau apposé sur un acte de l'état civil du 29 mai 1778 et sur lequel on voit un écu à un sautoir écoté et un semé de vair avec un cas­que sans cimier. Pas de légende. Ce sceau parait être un cachet particulier.

Sur une pierre tombale qui se trouve dans le pavement de la petite nef gauche de l'église de Leernes, figurent des armoiries - si cela peut s'appeler de ce nom - se rapprochant de celles de ce sceau ; elles n'ont qu'un rapport très éloigné avec la science héraldique et consistent en une sorte d'écu à un sautoir formé d'une bande et d'une barre forte­ment réduites, les quatre quartiers, semés de petits triangles. Au lieu d'un casque, l'écu est surmonté d'un nœud non serré, formé avec un ruban dont les extrémités, terminées par une houppe, reposent sur l'angle dextre et sur l'angle senestre du chef de l'écu. Quant à l'inscription gravée sur cette pierre, fort usée par le frottement, elle concerne une personne appelée Catherine..., décédée le 2 novembre 17...5, âgée de 60 ans, parente, semble-t-il, du maïeur ou échevin de Leernes, possesseur du sceau qui fut apposé sur l'acte d'état civil précité de 1778. Après la révolution, on utilisa successivement plusieurs sceaux qui sont conservés au secrétariat communal.

Liste des maïeurs de Leernes

  • 1450 Jean de damp Remy.

  • 1462 Jean Collinet, dit le voirer.

  • 1490 Franque de Dampremy.

  • 1524 Jacques Delmotte.

  • 1566 Charles Bataille.

  • 1575 Urbain Monart.

  • 1576 Simon Cambier.

  • 1598 Hughue Prangière.

  • 1617 Ambroise Fléchier.

  • 1647 André Strimele.

  • 1662 André Strimelet.

  • 1670 Dominique Format.

  • 1674 Bauduin Carpent.

  • 1678 Jacques Regnault.

  • 1707 J.-A. Dencken.

  • 1710 Jean-Baptiste Regnault.

  • 1719 Alexandre de Lange.

  • 1722 Jacques Carpen.

  • 1732 Antoine de Bavay.

  • 1734 Jérôme Ermel.

  • 1758 J.-G. Lefebvre.

  • 1769 Jean-François Delvaux.

  • An XII  de la République. Maire, Marcq ; adjoint, Yernaux.

  • 1808 Maire, Marcq; adjoint, Delvaux.

  • 1813 Maire, Marcq ; adjoint, Dormans.

  • 1819 Maire, Josson Jean-Baptiste.

  • 1831 Bourgmestre, Marcq, Jean-Baptiste.

  • 1840 Bourgmestre, Josson, Jean-Baptiste.

  • 1864 

  • 1882 Bourgmestre, Marcq E.

  • 1892 Bourgmestre, Lebrun J.

  • 1896 Bourgmestre, Marcq E.

  • 1910 Bourgmestre, Michel R.

Liste des échevins de Leernes

  • 1450 Jean Buisset, Collart de Hestrat, Gollart Housel, Christophe Gebunet et Jacquiart.

  • 1462 Collart Housiel, Christophe Gobinet, Jehan de Lattre, Jehan Mortruel, Jacquemart de Lintre et Franckart de Darmy.

  • 1490 Queren Gobines, Lambert dom Puich, Jehan Stacheit, Jacquemart de Névelle et Collart Delentre.

  • 1495 Querin Gobineau, Jehan Scachet, Jehan Houseau, Jehan de Caure, Michel du Bos.

  • 1497 Querin Cobigneau, Michel Dubois, Jehan Houseau, Jehan de le Gavée, Jehan Fléchet et Collart de Linte.

  • 1524 Jehan Lewa, Quirin Andri, Colart de Darmi, François de Liège. Colart du Pont, Michel Folly.

  • 1566 Antoine Lecocq, Nicolas Vermeille, Pierre du Terne, Grégoire Flechier et Simon Cambier.

  • 1575 Grégoire Flesohier, Simon Gambier, Jehan Jehu, Vincent Limelette.

  • 1576 Grégoire Fléchier, Jean Jehu, Jean Thibaut, Vincent Limelette, François de Liège.

  • 1598 Jean Carpen, Ambroise Barbet, Ambroise, Fle­chiére, Martin Jourdain, Pierre Hédroit.

  • 1617 Martin Jourden, Pierre Sotteau, Jacques Duterne, Marc Lelongflls.

  • 1626 Jean Dutrieu, Gobert Carpen.

  • 1662 Jean Dumoustier, Hippolyte Andrieu, Pierre Pouil­Ion, Antoine Frémault, Dominique Modquin.

  • 1672 Jean Carpent, Antoine Fremat, Pierre du Sart.

  • 1673 Mathieu Goblet.

  • 1689 Léonard Dencken, Léon Bataille, Nicolas Seghuin.

  • 1704 Hubert Ermel.

  • 1706 Jacques Carpent, Jean Lefebvre.

  • 1719 Pierre de Bavay.

  • 1728 Jérôme Ermel, Henri Lahier, François Mahieu.

  • 1732 Pierre Renart.

  • 1733 François Renart.

  • 1734 Hubert Rose.

  • 1761 Jean-François Delvaux.

  • 1766 Georges Dumarteau, Hippolyte Andrieu.

  • 1769 Philippe Hermel.

  • 1771 Joseph Yernaux.

  • 1779 André Yernaux, Pierre-François André.

  • 1819 Ermel, Marcq.

  • 1822 Lebrun, en remplacement de Marcq.

  • 1829 Dormans A., en remplacement de Lebrun J.-J.

  • 1831 Ermel Ch., Conreur Fr.

  • 1837 Dormans Al., en remplacement d'Ermel.

  • 1840 Conreur Fr., Cordier Norb.

  • 1845 Marcq M., en remplacement de Cordier Norb.

  • 1846 Ermel Alex, en remplacement de Conreur Fr.

  • 1864 Marcq M.

  • 1865 Lecomte A., en remplacement d'Ermel, nommé bourgmestre.

  • 1877 Tainmont G., en remplacement de Lecomte.

  • 1880 Marcq E., en remplacement de Marcq M.

  • 1882 Ermel A., en remplacement de Marcq E.

  • 1886 Lebrun J., en remplacement d'Ermel A.

  • 1889 Gillet L., en remplacement de Lebrun J.

  • 1892 Sornville J.-B., Clause V.

  • 1896 Berteaux A (pas de second échevin).

  • 1897 Michel R.

  • 1910 Berteaux A. et L'Été J.

Les Leernois célèbres

Bienfaisance publique

Les biens des pauvres étaient administrés autrefois par un mambour, conjointement avec le curé. Le mambour, nommé par le curé et les échevins, prêtait serment par-devant ces derniers et fournissait caution. Il devait rendre chaque année, au curé et aux échevins, le compte de ses recettes et de ses dépenses.

Les biens étaient loués aux plus offrants. Les revenus étaient employés conformément aux intentions des fonda­teurs, et, à défaut de dispositions spéciales, ils étaient distribués aux pauvres de la paroisse, d'après un tableau formé par le mambour, à l'intervention du curé. Une partie de ces revenus était distraite de la masse pour servir à l'entretien des malades indigents et pour procurer l'instruction aux enfants pauvres.

Les fonds disponibles et les registres étaient déposés dans un coffre à plusieurs clefs, dont l'une était conservée par le curé.

Divers édits et ordonnances émanant du prince-évêque, réglementaient la mendicité et comminaient des peines sévè­res contre ceux qui les enfreignaient.

Il était défendu aux pauvres étrangers de mendier dans le pays, parce qu'ils détournaient les aumônes dont les indigents liégeois avaient besoin.

Ceux du pays qui étaient en état de travailler pour gagner leur vie, ne pouvaient mendier « à peine d'être saisis et mis en prison au pain et à l'eau pendant six semaines » (art. 14 de l'édit de 1740).

Les indigents ne pouvaient, sous la même peine, mendier hors de leur village, sauf aux abbayes ou cloîtres voisins.

Il était défendu de mendier dans l'église et d'y faire l'aumône.

Les surcéants pouvaient empêcher l'entrée du village aux mendiants et vagabonds étrangers, et les arrêter sans aucune formalité, à condition de les remettre entre les mains du maïeur.

Aucun compte n'ayant été conservé, je n'ai pu me renseigner au sujet des revenus des Pauvres sous l'ancien régime.

En 1830, le bureau de bienfaisance de Leernes, possédait quatre parcelles de terre situées à la Taquennerie et un jardin, au village, contenant ensemble 72 ares 50 centiares. Aujourd'hui, il ne possède plus qu'un verger de 11 ares 70 centiares et un puits public. En 1838, les revenus ordi­naires du bureau de bienfaisance s'élevaient à fr. 952.04, y compris 400 francs provenant de subsides et de collectes. En 1870, ces revenus étaient de 680 francs.

Instruction publique

Comme généralement dans toutes les communes de l'Entre­-Sambre-et-Meuse, l'école de Leernes était tenue par le clerc qui était autorisé à cette fin par le curé.

Toutefois, en 1663, elle était tenue par un chapelain. Il en était de même en 1673, mais le chapelain, André Pouillon, ayant eu des difficultés avec le curé, dut abandonner l'école. Il fut remplacé successivement par trois prêtres choisis et autorisés par le curé, qui leur procura une habitation. Néanmoins, ils se virent bientôt obligés de quitter la com­mune, pour le motif que leurs ressources étaient insuffisantes.

Le curé, n'ayant pas voulu, par la suite, autoriser son clerc à donner l'instruction, il en résulta que les enfants ne purent plus rien apprendre pendant quatre ans. Une plainte ayant été adressée à ce sujet, vers 1687, à l'archevêque de Cambrai par les habitants, le curé fut invité à justifier sa conduite. La solution qui fut donnée à cette affaire n'est pas connue, mais il y a lieu de croire que les requérants obtinrent satisfaction, car en 1701, l'école était tenue par un chapelain.

Plus tard, le clerc fut de nouveau chargé d'instruire les enfants : on voit, en effet, qu'en 1725, le clerc Hubert Alarose tenait l’école chez lui en hiver, d'une manière satisfaisante.

Au commencement du XIXe siècle, il existait à Leernes, près de l'église, un pensionnat où était suivi le programme d'enseignement des collèges de l'époque. D'après le règlement d'ordre intérieur de cette institution, les plus jeunes élèves se couchaient après la prière du soir, vers sept heures, tandis que les « grammairiens et les arithméticiens » assistaient à l'étude jusqu'à neuf heures. On y enseignait le catéchisme et la morale en présence du curé, et l'on habituait les élèves à observer les règles de l'hygiène, tant au point de vue de la propreté que de l'exercice des diverses parties du corps.

En 1838, l'unique école de Leernes était fréquentée par 137 élèves.

Aujourd'hui. il y a deux écoles communales de garçons et deux de filles : une de chaque sorte pour le centre et le hameau de Wespes. Il y a, en outre, une école libre mixte fréquentée par 20 garçons et 34 filles, admis de droit à l’instruction gratuite.

Leernes

Biographie        Hommes célèbres

L'église honore, le 24 août, la mémoire d'un bienheureux nommé Thierry, qui naquit à Leernes en l'an 1007. Le père de Thierry, un noble chevalier, aurait désiré lui voir embrasser la carrière des armes, mais sa mère, qui avait eu une vision quelque temps avant sa naissance, voulut le consacrer au service de Dieu. Dés qu'il eut l'âge de raison, il fut confié à sa sœur Ansoalde, chanoinesse de Maubeuge, qui lui donna les premières leçons.

A 10 ans, il entra à l'abbaye de Lobbes, où il se distingua par son assiduité au travail. A 17 ans, il reçut le premier des ordres majeurs, de Gérard, évêque de Cambrai. A 19 ans, il revêtit l'habit monastique à l'abbaye de Lobbes. Il fut promu au diaconat peu de temps après et chargé de la direction de l'école monastique de Lobbes, par l'abbé Richard de Verdun, qui l'avait en grande estime. Il n'avait pas alors 22 ans. Le 16 juin 1037, avant d'avoir atteint la trentaine, il reçut l'onction sacerdotale des mains de l'évêque de Cambrai.

Après avoir été écolâtre à Lobbes, il dirigea successivement l'éducation des jeunes religieux de Stavelot, de Saint Vanne à Verdun et de Mousson.

Vers 1048, il partit pour Jérusalem, mais par suite de la guerre, il ne put dépasser la Hongrie et il se rendit à Rome, où il rencontra Théoduin, évêque de Liège, qui lui conseilla d'ajourner son projet à des temps meilleurs et de retourner à Lobbes. Il obéit et il revint dans sa patrie en compagnie de l'évêque, qui put apprécier ses qualités.

Un peu plus tard, il fut nommé écolâtre du monastère de Fulda et, deux ans après, abbé de Saint-Hubert, malgré ses hésitations et ses protestations, l'abbé de Florennes, qui se trouvait à Saint-Hubert à cette époque, l'ayant enfin décidé à accepter cette dignité.

Il gouverna ce grand monastère pendant 33 ans et, après une sainte vie, il mourut le 8 des Kalendes de septembre 1087 (25 août 1087) à l'âge de 80 ans.

Le corps du bienheureux Thierry, qui était conservé dans l'église de Saint-Hubert, fut brûlé en 1568 par les Huguenots.

Un autre religieux nommé Olbert, naquit à Leernes. Il commença ses études à l'abbaye de Lobbes. Il fut nommé abbé de Gembloux, par l'évêque de Liège Baldéric, et béni le 21 septembre 1012. Il rétablit la discipline dans son monas­tère en inspirant à ses moines l'amour du travail et de l'étude. Il bâtit une nouvelle église qui fut consacrée le 25 juillet 1022. Sa haute réputation le fit choisir par l'évêque de Liège Wolbodon pour mener à bonne fin la fondation de l'abbaye de Saint-Jacques de Liège, établie par Baldérlic en 1015. Il y fut nommé abbé en 1021. Il gouverna simultanément cette abbaye et celle de Gembloux jusqu'à sa mort qui arriva à Liège le 14 juillet 1048.

Il fut un homme supérieur tant par ses mœurs et sa piété que par sa science.

Les Fêtes et les Sorcières de Leernes

Les fêtes, moeurs et usages

La fête communale est fixée au dernier dimanche du mois d'août.

Le pèlerinage aux reliques de Saint Quirin attire à Leernes une grande affluence de monde, le 30 avril, jour de sa fête, le dimanche suivant et durant toute l'octave.

Le premier dimanche de juillet a Lieu, au hameau de Wespes, à l'occasion de la Saint-Pierre, une coutume dont on n'a pu me faire connaître l'origine. Les jeunes hommes vont de porte en porte, dès le matin, recueillir du lait, des oeufs, des « mastelles » et de l'argent, en chantant devant chaque maison le refrain ci-après :

Nous nous recommandons, madame,  
A votre générosité,
Nous ne taxons personne,
Vous donnez ce que vous voulez
Mais le plus content que nous sommes
C'est quand on nous donne beaucoup.

Leernes

Après chaque don volontaire qui leur est fait, les collecteurs crient : Vive Saint-Pierrot.

Tout ce qui a été recueilli est porté dans une maison située sur la place - tantôt l'une, tantôt l'autre - où l'on en fait une espèce de soupe appelée «  tchaudia », chaudeau.

Dans l'après-midi, la musique, suivie de toute la jeunesse, se rend à la ferme Marcq où la fermière leur remet la canne-major après l'avoir ornée d'un bouquet. En guise de remerciement, les jeunes gens chantent un couplet de leur chanson. Le cortège retourne ensuite sur la place.

Pendant ce temps, on a préparé le chaudeau, dont une partie a été versée dans cinq ou six cuveaux, dits scadias, que, deux à deux, les jeunes filles prennent par les poignées pour faire trois fois le tour de la place précédées de la musique et suivies par la jeunesse. Les scadias sont alors déposés à terre et les enfants en mangent le contenu, au moyen de cuillers dont ils se sont munis, en riant, criant, se barbouillant le visage.  

Leernes

On retourne ensuite à la maison, où le reste du chaudeau a été versé dans des soupières que les jeunes filles enlèvent, pour aller, en cortège, les déposer sur une table dressée sur la place et garnie d'assiettes et de cuillers.

Quelques jeunes hommes prennent alors place sur le kiosque et entonnent la chanson traditionnelle, en douze couplets et autant de refrains, qu'ils appellent le bénédicité.  

Leernes

La chanson terminée, les jeunes gens vont offrir les assiettes remplies de chaudeau, aux étrangers qui circulent sur la place.

Les charivaris qui, autrefois, se pratiquaient, notamment en cas d'infidélités conjugales constatées, tendent à disparaître des mœurs des habitants. Le dernier qui eut lieu à Wespes, il y a quelques années, n'eut qu'un commencement d'exécution, la police l'ayant empêché.

Les sorcières de Leernes

Au XVlIe siècle, Leernes vit s'élever plusieurs fois le bûcher où furent étranglés et brûlés des malheureux condamnés pour crimes de sorcellerie.

A cette époque où la croyance à la sorcellerie était pour ainsi dire générale, on était enclin, par ignorance et supers­tition, à attribuer à certains maléfices les événements tels que les accidents, les maladies de gens et de bestiaux, etc., qui se produisaient. De là, des soupçons qui se portaient le plus souvent sur de pauvres vieilles femmes, des dénoncia­tions suivies d'enquêtes et d'informations effectuées par les officiers de justice du lieu, et dont le résultat était porté, pour recharge, à la connaissance des échevins de Liège, juges souverains.

Ceux-ci, au vu des pièces, et lorsque les soupçons étaient fondés, condamnaient appréhensibles les inculpés qui étaient emprisonnés, examinés, interrogés et confrontés avec les témoins.

Le dossier de l'instruction était ensuite soumis aux mêmes échevins qui, s'ils reconnaissaient que les faits étaient suffi­samment établis, et ils l'étaient presque toujours par suite de la facilité avec laquelle on croyait au surnaturel - condamnaient les accusés, malgré leurs dénégations, d'abord à un examen amiable, consistant à les visiter pour reconnaître s'ils ne portaient pas de marque de sorcellerie sur le corps, ensuite, au besoin, à être mis à la torture froide et chaude et à être appliqués à la veille (attacher l'inculpé par le corps et les bras, debout, les pieds touchant le sol, et l'empêcher de dormir pendant un certain nombre d'heures), à l'effet de connaître leurs délits et leurs complices ; on parvenait ainsi à obtenir leurs aveux sur lesquels les juges, dont la conscience était ainsi à l'aise, se basaient surtout pour prononcer leur sentence de mort, sans tenir aucun compte des rétractations ultérieures des malheureux suppliciés.

On trouve dans les registres aux rôles criminels du grand greffe de Liège, plusieurs jugements rendus en matière de sorcellerie contre des hommes, des femmes et même de jeunes garçons de Leernes.

Les dossiers de ces affaires n'ont pas été retrouvés jusqu'ici ; néanmoins, j'ai pu suivre les phases de procédures et connaître les noms des condamnés, ainsi que les senten­ces rendues.

La première mention que j'ai rencontrée dans les registres précités, se rapporte à la recharge du 20 août 1616, par laquelle les échevins de Liège, condamnèrent appréhensibles, c'est-à-dire ordonnèrent de les arrêter, la veuve Martin Cavée (Jehenne Cavée), Franch Parent et son épouse, Gertrude femme Michiel Modquin, Martin del Coubonde et Willame Renard ; ils autorisèrent, en outre, le seigneur ou son officier de Leernes à se plaindre du fils de Franch Parent et de Nicolas del Coubonde, se réservant de statuer ulté­rieurement au sujet des autres inculpés.

En vertu d'une ordonnance du 11 septembre 1616 des échevins, Jehenne Cavée et Gertrude femme Michiel Mod­quin furent condamnées à être mises à la torture froide et chaude.

Le 26 du même mois, les échevins ayant vu « les examens rigoreuses et confessions faites par Jehenne Cavée, pri­sonnière, rechargèrent la cour et justice de Leerne et Wespes, de condamner la susdite à être conduite au lieu de supplice et illecque applicquée à une estache et estre estranglée et bruslée. tant que mort s'ensuive, à l'exemple d'autres, et en cas qu'elle persiste en ses accusations jusques à la mort, de condamner appré­hensibles Isabeau vefve Pierre Pouillon, Magotte Fouron, Françoy Parent, Fermen de Bourdeau, Querin Caubas, Pauline femme Anthoine le Visse, la femme Jean Bado appelée Péronne, et la femme Jean le Turcqz, comme inculpés sur les dites accusations ; et en cas qu'elle persiste comme dessus, de condamner Gertrude, femme Michiel Modquin à la veille, pour connaître ses délits et complices.

Les personnes ci-après furent successivement condamnées, après avoir subi la torture, à être étranglées et brûlées, pour l'exemple, en vertu des recharges des 7 janvier 1617, 20 mars 1617, 31 mars 1617, 8 juillet 1617, 2 et 22 décembre 1617

  • Gertrude, femme Michiel Modquin

  • Peronne, veuve Jean Bado ;

  • Françoy Parent, dont le corps fut réduit en cendres après avoir été brûlé ;

  • Marie du Bourdeau, veuve Françoy Gobineau

  • Anne de Ghymerée, dite Janjan

  • Querin Caubas.

Il y a lieu de faire remarquer toutefois, que la cour et justice de Leernes et Wespes, ayant, après la condamnation d'Anne de Ghymerée, fait des remontrances aux échevins de Liège, touchant celle-ci et Querin Caubas, les dits éche­vins, par la sentence du 16 décembre 1617, déclarèrent que les preuves et accusations demeuraient « en leurs forces et vigheur » et rechargèrent de condamner le susdit Querin à être appliqué à une torture, et en cas qu'il ne confesse rien, de le condamner à la veille pour savoir ses autres faits, délits et complices, ajournant la décision à l'égard d'Anne de Ghymerée dite Janjan, jusqu'après l'examen de l'interro­gatoire de Querin Caubas.

Le dossier ayant été revu, les échevins, par jugement du 22 décembre 1617, déjà cité, rechargèrent de condamner ce dernier à être étranglé et brûlé, et « s'il persiste en ses accusations jusqu'à la mort, de condamner Anne Janjan, dite de Ghymerée, à la même peine ». Comme aucune mention n'est plus faite au registre des rôles criminels, au sujet de cette femme, on peut croire qu'elle fut exécutée, en vertu de la recharge précitée.

Françoy Parent, condamné le 31 mars 1617, ayant été accusé de sorcellerie par Jehenne Cavée, dénonça à son tour les fils de celle-ci, appelés Martin et Jacques Cavée (ou Chavée).

Vu leur jeune âge, et les preuves recueillies ayant, sans doute, été jugées insuffisantes pour établir leur culpabilité, les échevins de Liège prièrent la cour de Leernes, le 6 avril 1617, de faire connaître leur conduite depuis qu'ils étaient emprisonnés ; de plus, le 24 du même mois, après avoir revu le dossier, ils les firent amener « en la ferme (prison) » de Liège, pour être examinés par eux, avant de statuer.

Cet examen ayant eu lien, les échevins, au vu des confessions (aveux) des prévenus, condamnèrent à la mort Martin Chavée, fils « ordonnant de le faire disposer à icelle et, ce fait, sera dans la prison, par le maître des oeuvres, estranglé tant que mort s'ensuive et de là son corps sera enseveli en terre saincte, en cas qu'il meurt repentant. Et quant à Jacques, fils Martin Chavée, frère du dit Martin, luy serat montré le corps mort de son frère et déclaré le subject pourquoy il est mort, pour, après, être exorcisé et confirmé, et au moyen de ce, le relaxons en chargeant la communauté de le faire bien instruire et y tenir la bonne main ». La sentence portait, de plus, que diverses personnes désignées seraient appréhensibles, Si le condamné persistait dans ses accusations jusqu'à la mort.

Jacques Cavée fut de nouveau appréhendé à la suite des dénonciations faites par Anne, fille Grégoire Fléchier, et Marie du Bourdeau, et condamné à être étranglé dans la prison, par recharge du 4 août 1617, qui ordonnait, en outre, d'appréhender plusieurs personnes dénoncées par le condamné, dans le cas où il persisterait jusqu'à la mort dans ses accusations.

Parmi ces personnes, il y a lieu de mentionner un jeune frère de Martin et de Jacques Cavée (ou Chavée), nommé Michiel Cavée, qui fut mis à la torture froide et chaude, ensuite de la recharge du 11 août 1617.

Les échevins de Liège ayant vu les pièces du dossier, ensemble les accusations faites par Jacques Chavée, exécuté, rechargèrent, le 22 août suivant, de relaxer le dit Michiel, en le condamnant aux frais, et de faire appréhender plusieurs personnes inculpées par les dénonciations du même.

Les pièces ci-devant analysées établissent que les malheureux soumis à la torture, interrogés par les officiers de justice, accusèrent de sorcellerie des personnes qu'ils avaient soi-disant rencontrées au sabbat, d'autres, à l'égard desquelles ils nourrissaient quelque animosité, d'autres encore, qu'ils ne connaissaient pas et dont ils savaient à peine le nom.

Ces personnes, dont les greffiers avaient tenu soigneusement note, ayant été mises en prévention et plus tard appliquées à la torture, à la suite des enquêtes effectuées, en avaient dénoncé d'autres : ainsi s'explique le grand nombre de procès de sorcellerie qui furent jugés à Leernes, pendant les années 1616 et 1617.

Plusieurs de ceux qui avaient été dénoncés, ne furent pas poursuivis, les instructions et enquêtes faites par la justice subalterne n'ayant rien fait découvrir à leur charge ; mais ceux que les échevins de Liège condamnèrent appréhensibles, furent soumis à tous les moyens de procédure en usage alors, et si, à défaut de preuves, ils furent relaxés, on les condamna aux frais, comme c'était l'usage, laissant ainsi subsister les soupçons qui les faisaient redouter et fuir comme des lépreux et des pestiférés.

C'est ainsi qu'indépendamment de Michel Cavée dont il a été question, Quérin Caubas, qui fut exécuté plus tard, et Jehenne Fruillien, épouse de Loys du bois, de Landelies furent relaxés, en payant les frais, en vertu des recharges du 19 décembre 1616 et du 17 septembre 1617, cette der­nière ayant allégué et établi, devant la cour et justice de Landelies, qu'il existait des inimitiés entre elle et Marie du Bourdeau qui l'avait dénoncée.

D'autres condamnations furent vraisemblablement encore prononcées à Leernes, pour crime de sorcellerie, pendant le XVIIe siècle, mais le cadre de mon travail étant limité, j'ai cru devoir cesser mes recherches dont le résultat m'a, d'ailleurs, paru suffisant pour permettre de se faire une idée du degré d'ignorance des juges de cette époque, qui, de bonne foi, sans doute, se croyaient obligés de condamner inexorablement les malheureux accusés, sans considérer que leurs aveux avaient été arrachés au milieu des tourments.

Une affaire criminelle dans laquelle fut impliqué Winand de la Jonchière haut-avoué de Leernes, occupa aussi la cour et justice de cette localité pendant le XVIIe siècle.

En vertu d'une recharge du 2 décembre 1626 des échevins de Liège, Winand de la Jonchière fut condamné appréhen­sible, ainsi qu'une nommée Marie Fléchier, par la cour et justice de Leernes ; l'arrêt prescrivait en outre au seigneur ou à son officier, de se plaindre de Philippe Gobelet, Pierre Pouleur, Jacques Modquin, Martin Ermel et Jacques Fléchier, comme inculpés dans les faits relevés. Il s'agissait, semble-t-il, d'un infanticide.

La haute Cour des échevins de Liège, à qui l'affaire fut de nouveau soumise, se basant sur un rapport de sage-femme, relatif à un corps mort, ordonna, le 9 août 1628, de faire visiter Marie Fléchier, à l'effet de savoir si elle avait quelque rupture ; le 11 du même mois, elle condamna l'accusée à être « mise et appliquée à la veille, l'espace de dix heures ».

L'instruction de l'affaire fut continuée par Antoine Wolff, bailli de Lobbes et de Leernes ; elle donna lieu à un arrêt du 6 octobre 1628, des échevins de Liège, condamnant Marie Fléchier « à être conduitte au lieu du suplice, avec un escrittau portant ces mots Faux tesmoin, et illecque être pendue et estranglée à une potence, tant que mort s'ensuive, à l'exemple d'autres ».

Marie Fléchier endura la mort, le 11 octobre, sans faire aucune rétractation et sans rien ajouter à ses dépositions, ainsi qu'il résulte de la déclaration faite le lendemain aux échevins de Liège, par le maïeur et le maître des hautes oeuvres.

Au vu de cette déclaration, le bailli de Lobbes, par l'intermédiaire de Deschamps son facteur, demanda « droit, sentence ultérieure et righeur de justice contre ceux qui se trouvoient inculpés par les accusations de la suppliciée, ainsi que par diverses dépositions et preuves ».

Le 12 octobre 1628, faisant droit à cette requête, les échevins condamnèrent appréhensibles le sieur de Jon­chière et Jean Fléchier, « comme inculpés sur le contenu des accusations de Marie Fléchier et autres preuves résultantes des acts ».

Winand de la Jonchière qui ne s'était pas purgé du décret de capture dressé contre lui, fut ajourné le 24 janvier 1629 par-devant les échevins de Liège, par Antoine Wolff, bailli de Lobbes. Ayant demandé alors que celui-ci indiquât les crimes et délits dont on l'accusait, et produisit les preuves, l'affaire fut remise à huitaine et, comme toutes celles de l'espèce, elle traîna en longueur. L'accusé ayant produit divers actes de décharge, notamment une attestation du curé de Leernes, constatant qu'il était un homme vertueux et de très bonne vie, les échevins de Liège, par recharge du 5 janvier 1632, ordonnèrent à la cour et justice de Leernes et Wespes, « de faire avancer les preuves sur les décharges ».

Le procès suivit son cours et se termina enfin à l'avantage de Winand de la Jonchière, par sentence du 16 mai 1636.