Les Seigneurs et les Avoués

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Seigneuries, Avouerie, Avoués (3)

Jean-Charles de Hellin eut à soutenir divers procès, tant contre les surcéants de Leernes et Wespes et le bailli de Lobbes, au sujet des droits de l'avouerie, que contre l'abbé de Lobbes qui lui contesta, devant la cour féodale de Liège, le titre de haut-avoué.

Ce dernier différend dura plus de quinze ans ; il prit naissance en 1669, à l'occasion d'une contravention relevée par l’officier-bailli des terres de Lobbes, à charge du seigneur de 'Wassenhoven, qui avait négligé de relever des chemins le long de ses héritages, contrairement à un mandement de S. A. S. en date du 23 mars 1658.

Le contrevenant contesta non seulement les faits, mais il prétendit, devant la cour et justice de Leernes et Wespes, que ce mandement n'avait eu d'effet que pour l'année 1658, qu'il ne pouvait plus être invoqué en 1669 et que, dès lors, les amendes y portées n'étaient plus exigibles. De plus, il déclara qu'en sa qualité de haut-avoué de Leernes, il n'était pas censurable par le bailli dont il était, au contraire, le supérieur et qu'il jouissait, à l'exclusion du seigneur direct et foncier, de plusieurs droits et prérogatives seigneuriaux tels que droits de mortemain, de mariage et de bourgeoisie, recette de chapon, d'avoine, ainsi que du tiers des amendes et du produit des ventes de coupes de bois, à l'encontre du dit seigneur. Il ajouta que les bourgeois de Leernes ne pouvaient aliéner les coupes de leurs bois sans son con­sentement, même quand ils avaient obtenu l'autorisation du seigneur direct; qu'il avait le droit de faire surveiller ces bois par un sergent-forestier, et, lorsque le seigneur direct voulait faire vendre des chênes et autres arbres « surragés » dans ces bois, il devait solliciter son consentement préala­blement à la vente, pour que ces arbres, dont le tiers du prix de vente lui revenait, pussent être marqués de son marteau en même temps que de celui du dit seigneur.

L'avoué conclut que celui qui jouissait de tels droits, était réputé seigneur dominant et que, pour ce motif, il devait être « absous », sans frais.

Jean-Chartes de Hellin renouvela ses allégations dans une réfutation en date du 6 mars 1670, adressée à la cour de Leernes, en concluant comme précédemment.

De son côté l'abbé de Lobbes impétra « mandement de complainte et de foule » le 4 février 1671, devant la Cour féodale de Liège, contre Jean-Charles de Hellin, qui s'attribuait le titre de haut-avoué, alors qu'il n'était que simple avoué.

Le conflit donna lieu à de nombreux mémoires, de plus en plus passionnés, remis alternativement à la Cour féodale par les avocats des parties.

Le seigneur de Wassenhoven, intimé, déclara, entre autres, dans une répartie du 13 août 1671, que, bien qu'il eût relevé l'avouerie de l'abbé de Lobbes, il n'était pas son vassal.

Pour établir la témérité de la négation faite par l'intimé, l'abbé exhiba, le 6 avril 1672, l'acte de transport de l'avouerie de Leernes, fait le 10 novembre 1611, en faveur de Denis de la Jonchière; il fit remarquer que celui-ci, qui avait fait relief de l'avouerie, sans qu'il eût été question de haute-avouerie, ni d'aucune juridiction de seigneurie domi­nante, s'attribuait la possession de la haute seigneurie de Leernes et se disait seigneur de la Jonchière, sans aucun titre.

L'abbé convint, il est vrai, que l'acte de constitution de Guillaume de Soye, par le comte de Solre, passé le 5 juillet 1611, par-devant les hommes de fief du Hainaut, faisait mention de la haute avouerie de Leernes, mais il ne voyait là qu'une flatterie à l'adresse du comte de Solre, haut et puissant seigneur, de la part d'étrangers au pays de Liège qui, d'ailleurs, pouvaient ignorer la « qualité de la vouerie ».

La discussion s'envenima au point que l'avocat de l'abbé en arriva, dans une contre exhibition réfutatoire, à nier la réception, à l'état des nobles, des devanciers de la dame de l'intimé, Marie-Jeanne de la Jonchière.

De plus, pour prouver la supériorité du bailli sur l'avoué, il rappela un procès criminel à charge de Winand de la Jonchière, et le décret d'appréhension dont ce dernier fut l'objet en 1626.

Plus tard, le seigneur de Wassenhoven nia de nouveau être le vassal de l'abbé et il accusa, en outre, ce dernier d'avoir versé au procès un acte incomplet ou falsifié volon­tairement, pour les besoins de la cause.

Dans un mémoire adressé le 25 août 1677, à la Cour féodale l'abbé fit observer que la supériorité que l'intimé prétendait avoir sur le bailli, ne se bornait pas à une question de préséance, mais qu'elle impliquait la négation de toute autorité autre que la sienne, alors que comme avoué et comme habitant de Leernes, il était soumis au bailli qui représentait l'abbaye de Lobbes.

L'intimé prétendait que, sans son consentement, l'autorisation du seigneur-abbé ne pouvait profiter aux bourgeois pour la vente de leurs bois, comme aussi que l'abbé ne pouvait y faire couper et vendre les chênes et les hêtres sans le gré de l'avoué c'était là, d'après l'abbé, « une pré­tention plus ambitieuse que les autres », puisqu'elle tendait à subordonner le seigneur direct à son vassal.

Quant à la prétention de l'avoué d'apposer la marque de son marteau sur les chênes et les hêtres, à côté de celle de l'abbé, c'était un acte intolérable de la part d'un vassal, qui oubliait qu'il devait tout honneur et respect à son seigneur direct.

En terminant, l'abbé conclut que le seigneur de Wassenhoven devait être déclaré déchu de sondroit d'avouerie.

On trouve encore au dossier des mémoiresproduits res­pectivement le 23 mai et le 27 août 1680, par le seigneur de Wassenhoven et par le prélat de Lobbes, mais on n'y voit pas la solution de l'affaire, qui était encore pendante devant la cour féodale, en 1687.

Le 15 avril 1682, l'abbé de Lobbes fut mis en demeure, par la Cour, d'exhiber l'acte d'institution première de l'avouerie en question.

A l'audience du 15 novembre 1683, dom Louis Bellamye, religieux de Lobbes, délégué par l'abbé, pria la Cour de hâter la solution de l'affaire, alléguant que les fils du seigneur de Wassenhoven s'étaient ingérés dans la « maniance » et la possession de l'avouerie, sans avoir reconnu l'abbé comme leur seigneur, et causaient de grands préjudices, dommages et intérêts à l'abbaye.

Le seigneur de Wassenhoven étant allé habiter Gand, son fils Jean Baptiste de Hellin s'adjoignit à lui dans la cause touchant la haute avouerie et fut cité, le 27 novembre 1684, à comparaître devant la Cour, pour y nantir les sportules.

A l'audience du 4 octobre 1685, la Cour, avant de délibé­rer, dénonça au prélat de Lobbes les doutes conçus au sujet de ses droits, et l'invita à justifier ceux-ci dans la quinzaine.

Le 6 décembre 1686, Jean-Baptiste de Hellin comparut en personne, devant la Cour, et y constitua le prélocuteur Pasque, pour son facteur, en remplacement de Judon.

D’autre part, la mort de Maugeer, facteur de l'abbé de Lobbes, ayant été notifiée à la Cour, le 6 avril 1687, l'affaire fut ajournée ; comme elle ne figure plus dans les registres auxrôles, on peut supposer que l'abbé de Lobbes, n'ayant pas jugé à propos ou n'étant pas à même de produire l'acte de constitutionde l'avouerie réclamé par la Cour, ne remplaça pas son facteur.

Quoi qu'il en soit, il semble que le seigneur de Wassenhoven,qui mourut le 16 mars 1698, fut maintenu dans ses droits et conserva le titre de haut-avoué. On est d'autant plus portéà croire qu'il en fut ainsi, que les barons de Méan et de Goer, qui succédèrent à Caroline-Sibille de la Jonchière, belle-sœur du seigneur de Wassenhoven, portèrent le titre de haut-avoué de Leernes et Wespes. En outre, dans un acte du greffescabinal de Leernes, du 16 mai 1780, il est ques­tion du bailli du seigneur haut-avoué de ce lieu. fermier du château de la Jonchière.

Le seigneur de Wassenhoven, avoué de Leernes, eut aussi à soutenir un procès en 1668, au sujet du droit de mortemain qu'il voulut faire payer par Jeanne Roger ou Rogère, à la mort de son mari.

Celle-ci ayant prétendu que ce droit n'était pas dû, pour le motifque son mari avait été reçu bourgeois de Leernes et Wespes, la Cour et justice de cette localité, après avoir consulté les Echevins de Liège, déclara, le 19 avril 1668, que la prétention du seigneur de Wassenhoven n'était pas fondée dans ce cas.

Le Conseil ordinaire de Liège, à qui l'affaire fut soumise, décida, par son jugement du 30 mars 1669, que les Echevins de Liège avaient bien prononcé et jugé ; il confirma leur sentence et condamna l'avoué aux dépens.

Appel de ce jugement fut interjeté devant la Chambre impériale de Wetzlaer ; le dossier dans lequel ont été puisés les renseignements ci-dessus, ne contient pas la sentence définitive, mais il y a tout lieu de supposer que l'avoué perdit son procès.

B. Caroline-Sibille de Jonchière, fille de Winand, épousa, le 18 janvier 1662, Jean de Méan, fils de Laurent de Méan, écuyer, seigneur de Pailhe ; ils eurent pour enfants :

  1. Laurent-Conrard de Méan, qui épousa Isabelle de Méan, fille de Pierre de Méan et petite fille de Laurent de Méan. Ils eurent pour fils Jean-Ferdinand de Méan, ci-après.

  2. Isabelle-Gertrude-Thérèse de Méan, qui épousa, le 11 décembre 1681, Jacques Remy, baron de Goer et du Saint-Empire, seigneur de Haltinne, haut-avoué de Leernes et Wespes, licencié-ès-lois, président du conseil ordinaire de l'évêque de Liège. Il mourut à Liège le 21 février 1733, sa femme l'ayant précédé dans la tombe le 11 septembre 1724.

Ils eurent pour enfants :

  • Jacques-Denis-François, ci-après, A.

  • Ide-Dieudonnée de Goer, qui fut baptisée à Liège le 16 mai 1700 et y mourut le 5 septembre 1723. Elle avait épousé le 30 novembre 1719, son cousin germain Jean-Ferdinand, cité plus haut, baron de Méan et du Saint-Empire, seigneur de la Jonchière, haut-avoué de Leernes et Wespes, baptisé le 8 août 1691, mort le 17 mai 1740, fils de Laurent-Conrard de Méan et d'lsabelle de Méan. Ils eurent pour enfant Anne-Marie-Isabelle-Guillemine de Méan.

A. Jacques-Denis-François, baron de Goer, de Herve et du Saint-Empire, Seigneur de Forêt, Prayon, haut-avoué de Leernes et Wespes, baptisé à Liège le 4 août 1696, licencié-es-lois, fut conseiller au conseil ordinaire en 1725, et mourut le 7 décembre 1765. Il avait épousé, le 17 septembre 1726, Henriette-Amélie, comtesse de Hoensbroeck et eut pour enfant

Jacques-Charles-Ferdinand, seigneur d'Haltinne, de la Jonchière haut-avoué de Leernes et Wespes, qui fut baptisé à Notre-Dame-aux-Fonts et mourut le 17 décembre 1806 Licencié-ès-lois, il fut conseiller au Conseil ordinaire de Liège, en 1754, puis président en 1784, et chambellan de l’électeur de Cologne. Il avait épousé Marie-Louise-Antoinette d'Aubrebis de Saint-Marc, chanoinesse d'Andenne, qui mourut à Liège le 3 mai 1758. Ce fut le dernier haut-avoué de Leernes.

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